31 mai 2006

En balade

HODIE

Tout va bien.


Ça ne bouge même pas.
C'est comme sur le ciel la trace
d'un vol mais sans les oiseaux
ou comme le bruit de l'eau
mais sans eau. Ça n'est pas là.
C'est, en toi, ce qui n'est ni
ton corps ni, dans ton regard,
l'éclat qui porte ton nom.
C'est sans mot, mais ça insiste
comme sous la peau, le sang.

Même si on ne sait pas.
Avec des gestes pour rien.
Même si on dort, si c'est
dans la lenteur de l'amour,
avant le sommeil. On dit
tu as entendu, écoute.
Les mains s'arrêtent, les mots.
On voit l'ombre d'une tasse
et son anse sur le mur.
C'est le bord. On ne voit pas.

(Jacques Ancet, L'Imperceptible)

30 mai 2006

Règne interminable

OLIM

Vive la révolution !


Ô fins d'automne, hivers, printemps trempés de boue,
Endormeuses saisons ! je vous aime et vous loue
D'envelopper ainsi mon coeur et mon cerveau
D'un linceul vaporeux et d'un vague tombeau.

Dans cette grande plaine où l'autan froid se joue,
Où par les longues nuits la girouette s'enroue,
Mon âme mieux qu'au temps du tiède renouveau
Ouvrira largement ses ailes de corbeau.

Rien n'est plus doux au coeur plein de choses funèbres,
Et sur qui dès longtemps descendent les frimas,
Ô blafardes saisons, reines de nos climats,

Que l'aspect permanent de vos pâles ténèbres,
– Si ce n'est, par un soir sans lune, deux à deux,
D'endormir la douleur sur un lit hasardeux.

(Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal)

29 mai 2006

Hic et nunc



Son chapeau emporté –
comme elle est sans pitié la pluie
sur l'épouvantail !

(Hagi-jo)

28 mai 2006

Quoi ?

HODIE

Et moi je crois.


L'épée de feu qui gardait le chemin de l'arbre de vie s'appelle calembour, jeu de mots. L'idée qu'il pût y avoir quelque chose de caché sous le calembour ne pouvait venir à aucun homme, car c'était interdit à l'esprit humain. Il lui était seulement imposé d'éclater de rire stupidement, mais cela reste désormais le partage des sots et des esprits bornés. Dieu a choisi les choses folles du monde, et les plus méprisées, pour anéantir celles qui sont.
C'est par révélation et au jour fixé pour cela, que nous avons été amené à formuler la loi suivante :
L'étude du rapport existant entre les idées différentes exprimées par un son ou une suite de sons identiques, amène naturellement l'esprit à trouver la formation de la parole, laquelle se confond avec la création de l'homme, qui est lui-même la Parole.
Soit :

Les dents, la bouche.
Je trouve :

Les dents la bouchent.
L'aidant la bouche.
L'aide en la bouche.
Laides en la bouche.
Laid dans la bouche.
Lait dam la bouche.
L'est dans le à bouche.
Les dents-là bouche, et autres.

Toutes ces idées, plus ou moins différentes, ont un rapport entre elles. Les dents ferment la bouche, dont elles sont une aide. Elles sont laides et aussi blanches, comme du lait dans la bouche. Le dam a une dent pour origine et le mal de dents est en rapport avec le mal de dam, mets à le dedans, qui est mal d'amour. Les dents-là bouche, vaut : ferme la bouche.
Si on ne trouve pas de rapport entre deux idées, elles ont un point commun avec une troisième, mais cette Loi est formelle et certaine, et elle s'étend à toutes les langues. C'est par cette Loi que peu à peu nous sommes arrivé à la décomposition de la parole humaine, au langage qui était le même par toute la terre.

(Jean-Pierre Brisset, Les Origines humaines)

27 mai 2006

Effacer la buée

HODIE

Et se pencher.



Ce n'est pas dans la glace qu'il faut se considérer. Hommes, regardez vous dans le papier.

(Henri Michaux, Passages)

26 mai 2006

Désir de fantôme

HODIE

Suivre ou être suivi...


Nous devinons que nous suivons une trace. La trace c'est manière opaque d'apprendre. La branche et le vent : être soi dérivé de l'autre. Elle fêle l'absolu du temps. C'est le sable en vrai désordre de l'Utopie. Elle est l'errance violente de la pensée qu'on partage.

(Édouard Glissant, Le Traité du Tout-Monde)

25 mai 2006

Des noeuds

HODIE

Au pays du minimum


Ce cœur obsédant, qui ne correspond
Pas avec mon langage et mes coutumes,
Et sur lequel mordent, comme un crampon,
Des sentiments d'emprunt et des coutumes
D'Europe, sentez-vous cette souffrance
Et ce désespoir à nul autre égal
D'apprivoiser, avec des mots de France,
Ce cœur qui m'est venu du Sénégal ?

(Léon Laleau, Musique nègre)

24 mai 2006

On disait que...

HODIE

Une douce habitude


O Solitude! if I must with thee dwell,
Let it not be among the jumbled heap
Of murky buildings: climb with me the steep,—
Nature's observatory—whence the dell,
In flowery slopes, its river's crystal swell,
May seem a span; let me thy vigils keep
'Mongst boughs pavilion'd, where the deer's swift leap
Startles the wild bee from the fox-glove bell.
But though I'll gladly trace these scenes with thee,
Yet the sweet converse of an innocent mind,
Whose words are images of thoughts refin'd,
Is my soul's pleasure; and it sure must be
Almost the highest bliss of human-kind,
When to thy haunts two kindred spirits flee.

(John Keats)

23 mai 2006

Ô lake...

HODIE

La blessure de l'hameçon arraché.




The flower that smiles to-day
To-morrow dies;
All that we wish to stay
Tempts and then flies.
What is this world's delight?
Lightning, that mocks the night,
Brief even as bright.

Virtue, how frail it is!
Friendship, how rare!
Love, how it sells poor bliss
For proud despair!
But these though they soon fall,
Survive their joy, and all
Which ours we call.

Whilst skies are blue and bright,
Whilst flowers are gay,
Whilst eyes that change ere night
Make glad the day;
Whilst yet the calm hours creep,
Dream thou — and from thy sleep
Then wake to weep.

(Percy Bysshe Shelley)

14 mai 2006

Mine

HODIE

Et tourne la belle-fleur.


Je suis surtout poète, maintenant. Chaque jour je reste dans ma chambre à écrire un nouveau poème. J'invente tous les mots moi-même, comme lorsque je vivais dans le noir. C'est comme ça que je commence à me souvenir, en faisant semblant d'être revenu dans le noir. Je suis le seul à savoir ce que ces mots signifient. Ils ne peuvent pas être traduits. Ces poèmes me rendront célèbre. J'ai tapé dans le mille. Ya, ya, ya. De beaux poèmes. Si beaux que le monde entier pleurera.
Plus tard, peut-être, je ferai autre chose. Lorsque j'aurai fini d'être poète. Un jour ou l'autre je serai à court de mots, voyez-vous. Chacun n'a qu'un certain nombre de mots en lui.

(Paul Auster, Cité de verre)

13 mai 2006

Mare

HODIE

Je ne m'enfuis pas.


Oh ! lorsque seulement le vol
n'escaladera plus, content de soi
et de sa propre initiative,
les silences du ciel,

pour se jouer, chéri des vents,
parmi les profils de lumière,
en engin qui a réussi
et virevolte, agile et sûr...

Seulement si un pur « vers quoi »
l'emporte sur l'adolescent orgueil
d'appareils qui font leur croissance,

bouleversé soudain par le gain qu'il a fait,
celui que les lointains auront eu pour voisin
deviendra, solitaire, et sera son envol.

(Rainer Maria Rilke, Les Sonnets à Orphée)

12 mai 2006

Bascule

HODIE

Doucement, je me gausse.


Ce sont les cendres d'un trésor
– Tant de pertes, tant d'offenses
Quel roc ne s'effrite et s'abat
Devant de telles cendres.

La colombe éclatante et nue
À nulle autre appariée.
La sagesse de Salomon
Sur toutes les vanités.

Redoutable blancheur, craie
D'un temps sans déclin.
Mais si le feu brûlait mes murs
Dieu se tenait à mon seuil !

Délivré de tous les fatras,
Maître des songes et des jours,
Flamme née de ce blanc précoce
L'esprit monte droit !

Non vous ne m'avez pas trahie,
Années, ni prise de revers !
En ces cheveux déjà blancs
C'est l'éternité qui l'emporte.

(Marina Tsvétaïeva)

11 mai 2006

Stress maximum

HODIE

Polonais conseil de famille.


Alors il dit : - Je veux habiter sous la terre
Comme dans son sépulcre un homme solitaire ;
Rien ne me verra plus, je ne verrai plus rien.
— On fit donc une fosse, et Caïn dit : C'est bien !
Puis il descendit seul sous cette voûte sombre.
Quand il se fut assis sur sa chaise dans l'ombre
Et qu'on eut sur son front fermé le souterrain,
L'œil était dans la tombe et regardait Caïn.

(Victor Hugo, La Légende des siècles)

10 mai 2006

Des lanternes à tabac

HODIE

Ils ont coupé la barbe du vieux Louis.


Il s'occupe des travaux de la terre et taille
Les haies, ramasse le blé et les figues qui bâillent.
Il a un pavillon dans sa vigne et il goûte
Le vin en bois aigre qu'il examine au jour.
Un lièvre lui mange les choux de son jardin
Où quelques rosiers sont lourds de pluie, le matin.
Parfois on lui porte un acte notarié,
Un paysan, pour savoir comment être payé.
Il nettoie son fusil et couche avec sa bonne.
L'existence lui est douce, calme et bonne.
Il fit son droit jadis.
Une photographie
Nous le montre triste, pommadé et jauni,
À l'époque de son duel pour une femme.
Il tient un journal à la main et regarde
Devant lui.

Que c'est triste, que c'est triste,
Je trouve, ce temps où on se nommait Évariste.
Le vieux père et la mère étaient au désespoir...
On avait surpris une lettre de femme, un soir...
Un jour, il est revenu de la capitale
Avec un chou de cheveux sur son front pâle.

On a enterré les vieux parents qu'il aimait,
Et dont il parle avec un touchant respect.
Il n'a pas d'héritiers et sa succession,
Qui sera belle, sera partagée, dit-on,
Entre les Dumouras et les Cosset. Qui sait ?

Il vit ainsi, auprès des chênes, et c'est
De longues veillées qu'il passe à la cuisine
Où dort le chien rose de feu, où les mouches
Salissent de caca tout ce qu'elles touchent.

Parfois, le matin, il s'essaye à un trombone
Triste auquel est habituée sa bonne.
Il vit ainsi doucement sans savoir pourquoi.
Il est né un jour. Un autre jour il mourra.

(Francis Jammes, De l'angélus de l'aube à l'angélus du soir)

09 mai 2006

Ruban tenace

OLIM

Un petit poisson si ancien.


Va-t'en va-t'en mon arc-en-ciel
Allez-vous-en couleurs charmantes
Cet exil t'est essentiel
Infante aux écharpes changeantes

Et l'arc-en-ciel est exilé
Puisqu'on exile qui l'irise
Mais un drapeau s'est envolé
Prendre ta place au vent de bise

(Guillaume Apollinaire, Calligrammes)

08 mai 2006

Oreiller froissé

HODIE

Des poches exclusivement.


L'apprentissage se déroulait en deux temps apparemment simples. L'enfermement et la lecture. Pour la première étape il était nécessaire de faire des provisions pour une semaine ou alors de jeûner. Il était aussi indispensable, pour éviter les visites inopportunes, d'avertir que l'on n'était disponible pour personne, ou bien que l'on partait en voyage pour une semaine ou que l'on avait contracté une maladie contagieuse. La deuxième étape était plus compliquée. D'après Delorme, il fallait se fondre avec les oeuvres maîtresses. On y parvenait d'une manière extrêmement étrange : en déféquant sur les pages de Stendhal, en se mouchant dans les pages de Victor Hugo, en se masturbant et en répendant le sperme sur les pages de Gautier ou Banville, en vomissant sur les pages de Daudet, en urinant sur les pages de Lamartine, en se coupant avec des lames de rasoir et en éclaboussant de sang les pages de Balzac ou de Maupassant, en soumettant, en somme, les livres à un processus de dégradation que Delorme appelait humanisation. Le résultat, au terme d'une semaine de rituel barbare, était un appartement ou une chambre jonchée de livres détruits, un état de saleté et de puanteur dans lesquels l'apprenti littéraire déblatérait à son aise, nu ou en short, sale et surexcité comme un nouveau-né ou plus exactement comme le premier poisson qui décida de faire le saut et de vivre hors de l'eau. Selon Delorme, l'écrivain barbare sortait aguerri de l'expérience et, là était vraiment l'essentiel, il en ressortait avec un certain savoir dans l'art de l'écriture, une connaissance acquise grâce à la
« proximité réelle », l'« assimilation réelle » (comme les nommait Delorme) des classiques, une proximité corporelle qui brisait toutes les barrières imposées par la culture, l'académisme et la technique.

(Roberto Bolaño, Étoile distante)

07 mai 2006

Album

HODIE

Toujours à deux.


J’allais solitaire ainsi qu’un nuage
Qui plane au-dessus des vaux et des monts
Quand soudain je vis en foule – ô mirage ! –
Des jonquilles d'or, une légion !
A côté du lac, sous les branches grises,
Flottant et dansant gaiement à la brise.

Serrées comme sont au ciel les étoiles
Qu’on voit scintiller sur la Voie Lactée,
Elles s’étendaient sans un intervalle
Le long du rivage au creux d’une baie :
J’en vis d’un coup d’œil des milliers, je pense,
Agitant la tête en leur folle danse.

Les vagues dansaient, pleines d’étincelles,
Mais elles dansaient plus allégrement ;
Pouvais-je rester, poète, auprès d’elles
Sans être gagné par leur enjouement ?
L’œil fixe – ébloui – je ne songeais guère
Au riche présent qui m’était offert :

Car si je repose, absent ou songeur,
Souvent leur vision, ô béatitude !
Vient illuminer l’œil intérieur
Qui fait le bonheur de la solitude ;
Et mon cœur alors, débordant, pétille
De plaisir et danse avec les jonquilles.

(William Wordsworth)

06 mai 2006

Récurrence

HODIE

À cinq centimètres du lino rouge.


Il marchait sur un pied sans savoir où il poserait l’autre. Au tournant de la rue le vent balayait la poussière et sa bouche avide engouffrait tout l’espace.
Il se mit à courir espérant s’envoler d’un moment à l’autre, mais au bord du ruisseau les pavés étaient humides et ses bras battant l’air n’ont pu le retenir. Dans sa chute il comprit qu’il était plus lourd que son rêve et il aima, depuis, le poids qui l’avait fait tomber.

(Pierre Reverdy, Plupart du temps)

05 mai 2006

Éventuellement

HODIE

Je pencherai mon oeil de mouche.


Écrire, c'est ça !
C'est d'abord découvrir qu'on a, en nous, ce trou d'mort à langues trouées où s'entassent, pêle-mêle, ces langues de tiraillous du Tchad ou de cajuns des bahous, cousins des ex-bat. d'Af., eux-mêmes matassins négropolitains des rastas de squatts, matachés de oualongadoudoux, comme chez nous, à Gembloux !
C'est comprendre et aimer ça quitte à avoir l'air d'avoir trop soufflé dans l'encrier du nec sous-ultra ! — et, dans le même temps, c'est accomplir, ce geste insensé, de noria dans le nada ! C'est accomplir l'inlassable monotonie résistante de cet acte fou !
C'est faire et aligner des bâtons !
C'est en baver des chuintés et en chier des mous ! C'est chier dans ce trou ! C'est devenir, soi-même, un bâton ! Être le bâton cochon de ce corps — mal fait, mal conçu, mal planté et mal baisé! — qu'on nous a cochonné ! C'est tenter, jour après jour, d'en esquisser le contour et d'en déboucher le brouillon ! Tenter d'actionner — avec une folle envie concomitante de tout bousiller ! — cette saloperie de colonne à pression qui nous sert de prothèse à langues ! C'est tenter de l'amocher ! De l'écrabousiller ou d'en boucher le daleau ! De la bourrer ou mâchurer de mots ! De la barbouiller de bamboula ! De la peinturlurer, aux couleurs, très peu françaises, de ce qui en sourd ou s'y tait, dans l'hystérie crispée d'une motilité sans nom !
C'est tâcher de mettre des noms là-dessus !
Tâcher de dénouer ce rébus et de désigner cet os,
par où
et par quoi,
on l'a dans l'os !

(Jean-Pierre Verheggen, Artaud Rimbur)

04 mai 2006

Timidement

HODIE

Une réserve de silence.


Aujourd'hui de nouveau j'ai besoin de verser
Mon âme devant vous en encrier d'écolier
Qui fait sur les tabliers des taches difficiles à aimer.

Je surgis à peine des illettrés ;
Du moins malgré les livres je ne suis pas lettré ;
Je ne sais pas être un civilisé.

Je ne suis pas « avant », je ne suis pas « pendant », je ne suis pas « après » ;
Je suis nomade et non contemporain ;
Je suis avec vous tous mais en nuée ;

Mes miens, si Purs, si Grands, si Vrais,
Je n'écris plus de livres, les livres sont tous souillés ;
Je lance quelques mots dans les vents et les nuées.

Ainsi que sont vos coeurs tous mes poèmes sont étouffés ;
Poèmes dans les rives d'une rime en « é »
Poèmes d'un homme trépassé.

Qu'ils soient la Parole et non des paroles,
La Parole muette qui seule sait parler,
La Parole condamnée qui seule peut sauver,
La Parole niée qui seule peut affirmer,
La Parole qui ne peut jouer aucun rôle.

(Armand Robin, Ma vie sans moi)

03 mai 2006

Réalité

HODIE

Au boulot !


Il n'y aurait rien
Pas un insecte bourdonnant
Pas une feuille frissonnante
Pas un animal léchant ou hurlant
Rien de chaud rien de fleuri
Rien de givré rien de brillant rien d'odorant
Pas une ombre léchée par la fleur de l'été
Pas un arbre portant des fourrures de neige
Pas une joue fardée par un baiser joyeux
Pas une aile prudente ou hardie dans le vent
Pas un coin de chair fine pas un bras chantant
Rien de libre ni de gagner ni de gâcher
Ni de s'éparpiller ni de se réunir
Pour le bien pour le mal
Pas une nuit armée d'amour ou de repos
Pas une voix d'aplomb pas une bouche émue
Pas un sein dévoilé pas une main ouverte
Pas de misère et pas de satiété
Rien d'opaque rien de visible
Rien de lourd rien de léger
Rien de mortel rien d'éternel

Il y aurait un homme
N'importe quel homme
Moi ou un autre
Sinon il n'y aurait rien.

(Paul Eluard, Le Livre ouvert)

02 mai 2006

Prendre le large

HODIE

Pour commencer.




Îles
Îles
Îles où l'on ne prendra jamais terre
Îles où l'on ne descendra jamais
Îles couvertes de végétations
Îles tapies comme des jaguars
Îles muettes
Îles immobiles
Îles inoubliables et sans nom
Je lance mes chaussures par-dessus bord car je voudrais bien aller jusqu'à vous

(Blaise Cendrars, Au coeur du monde)

01 mai 2006

Debout

HODIE

Du passé faisons table rase !


Plus rien même pas de la cendre
même pas le souvenir plus rien
Plus rien sauf cette joie de l'oubli
ce vent de l'oubli qui arrache tout
détruit tout et saccage le reste
Le moment est enfin venu de ne plus espérer
de ne plus attendre de ne plus croire
de ne plus s'imaginer de ne plus trembler
savoir qu'on ne craint plus le vide
que tout est consommé consumé désincarné
que ce qui était n'est plus plus rien
même plus rien même pas le néant

Je ne ricane plus je ne souris plus
je ne baisse plus les yeux ni ne les lève
je ne les frotte même plus je ne dors pas
je veille comme une pierre sans son ombre
et je suis transparent comme le temps
je vis comme vivent les nuages et la fumée
je m'efface et jusqu'aux dernières traces

(Philippe Soupault, Poèmes retrouvés)