31 octobre 2007

helpadm

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Ci-gît...


César a fermé la paupière ;
Au jour doit succéder la nuit ;
Que s'éteigne toute lumière,
Que s'évanouisse tout bruit.

À travers ces arcades sombres,
Enfants aux folles passions,
Disparaissez comme des ombres,
Fuyez comme des visions.

Allez, que le caprice emporte
Chaque âme selon son désir,
Et que, close après vous, la porte
Ne se rouvre plus qu'au plaisir.

(Gérard de Nerval, Odelettes)
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29 octobre 2007

Mon ami Pierrot

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XXX


C'est à cause du clair de la lune
Que j'assume ce masque nocturne
Et de Saturne penchant son urne
Et de ces lunes l'une après l'une.
[...]

(Paul Verlaine, Parallèlement)
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24 octobre 2007

Gloire à Dijon

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Au nord, il y avait le néon.


Souvent, me dit-il, en parlant de ses lectures, j'ai accompli de délicieux voyages, embarqué sur un mot dans les abîmes du passé, comme l'insecte qui posé sur quelque brin d'herbe flotte au gré d'un fleuve. Parti de la Grèce, j'arrivais à Rome et traversais l'étendue des âges modernes. Quel beau livre ne composerait-on pas en racontant la vie et les aventures d'un mot ? sans doute il a reçu diverses impressions des événements auxquels il a servi ; selon les lieux, il a réveillé des idées différentes ; mais n'est-il pas plus grand encore à considérer sous le triple aspect de l'âme, du corps et du mouvement ?

(Louis Lambert, Honoré de Balzac)
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21 octobre 2007

Sans discussion

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Je t'en ficherai, moi, des étiquettes !


ÉTIQUETTTE :
Petit écriteau que l'on met sur des sacs d'argent, des marchandises, etc. Nous rapportons, sans la discuter, l'étymologie que l'on donne de ce mot. Autrefois les procédures s'écrivaient en latin et l'on mettait sur le sac qui les contenait ces trois mots : est hic questio, ici est la question entre un tel et un tel. Souvent on écrivait, par abréviation : est hic quest., et des praticiens ignorants finirent par mettre étiquet, étiquette. De là le nom d'étiquette donné ensuite à une marque distinctive.

(Pierre Larousse, La Comtesse de Pimbêche)
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20 octobre 2007

Noël

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C'est moi qui l'avais amené là
un jour où l'eau et l'osier ne suffisaient pas
un jour où j'avais une promesse à tenir
Il a échappé à mon troisième pas.
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19 octobre 2007

Dis-je

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dwhnk; sdfyhguierhqgiohgiod

As kingfishers catch fire, dragonflies dráw fláme;
As tumbled over rim in roundy wells
Stones ring; like each tucked string tells, each hung bell’s
Bow swung finds tongue to fling out broad its name;
Each mortal thing does one thing and the same:
Deals out that being indoors each one dwells;
Selves—goes itself; myself it speaks and spells,
Crying Whát I do is me: for that I came.
[...]

(Gerard Manley Hopkins, Poems)
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18 octobre 2007

Table de nuit

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Premier oeil, dernier regard


voici la cigarette
fumée vers huit heures
la trentième cigarette
grosse toux
voici le cendrier qui déborde d'heures
la marseillaise résonne sur un trombone à coulisse
voici la cellule de prosper
voici la cigarette suivante
fumée deux minutes plus tard
le cendrier est plein
voici
la suivante et puis l'autre
les rois mages sont en retard
montand chante chante

(Antonio Martínez Sarrión, Théâtre des opérations)
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17 octobre 2007

Cri de midi

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Bien avant l'image.





the faces are raised
as toward the light
there is no detail extraneous

to the composition one
follows the others stick in
hand triumphant to disaster.

(William Carlos Williams, Pictures from Brueghel & other poems)
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16 octobre 2007

Or, dis-moi

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Pschhitt !


je marche simplement, je traverse le vide, le vide me saoule, le vide est une poignée de main, une poignée de terre, une poignée de froment, une poignée de cris. Le vide est beau, le vide accompagne nos silences et nos absences, le vide lit les plus beaux poèmes du monde, le vide n'a pas froid aux yeux, le vide se promène sur le bord de la fenêtre, le vide hausse les épaules, le vide entre dans le mot vide, le vide éprouve un sentiment de malaise, de peur, de solitude. Le vide vient de découvrir l'existence du mot vide, le vide connaît enfin son nom

(Gaspard Hons, Le Jardin des morts heureux)
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15 octobre 2007

Roses Vosges

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Trois petits tours dans un carré.


Tout nu, Agostino se mit à se promener sur ce sable moelleux et miroitant, s'amusant à y enfoncer les pieds avec force et à voir l'eau venir tout de suite noyer ses empreintes. Il éprouvait maintenant un désir vague et désespéré de s'éloigner de la rivière, de suivre la côte en laissant derrière lui les gamins, Saro, sa mère, toute son ancienne vie. À force de marcher droit devant lui sur le sable blanc et doux, peut-être arriverait-il dans un pays où toutes ces vilaines choses n'existaient pas ? Dans un pays où il serait accueilli comme le souhaitait son coeur, où il lui serait possible d'oublier tout ce qu'il venait d'apprendre et de le réapprendre après, sans en être blessé ni honteux, d'une façon douce et naturelle qui devait exister, qui était celle qu'obscurément il avait désirée. Il regardait la brume qui, à l'horizon, enveloppait les confins de la mer, de la plage, de la terre sauvage et il se sentait attiré par cette immensité comme par la seule chose qui aurait pu le libérer de sa servitude présente.

(Alberto Moravia, Agostino)
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14 octobre 2007

Seconde lecture

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Tapis devenu vert au bout du voyage.


Il croisa les deux pans de sa robe de chambre à ramages, posa ses pieds sur un tabouret, coula ses mains dans les goussets de son pantalon de cachemire rouge et se renversa dans une délicieuse bergère à oreilles dont le siège et le dossier décrivaient l'angle confortable de cent vingt degrés. Il ne prit plus de thé et resta immobile, les yeux attachés sur la main dorée qui couronnait sa pelle, sans voir ni main, ni pelle, ni dorure. Il ne tisonna même pas. Faute immense ! N'est-ce pas un plaisir bien vif que de tracasser le feu quand on pense aux femmes ? Notre esprit prête des phrases aux petites langues bleues qui se dégagent soudain et babillent dans le foyer. On interprète le langage puissant et brusque d'un bourguignon.
À ce mot, arrêtons-nous et plaçons ici pour les ignorants une explication due à un étymologiste très distingué qui a désiré garder l'anonyme. Bourguignon est le nom populaire et symbolique donné, depuis le règne de Charles VI, à ces détonations bruyantes dont l'effet est d'envoyer sur un tapis ou sur une robe un petit charbon, léger principe d'incendie. Le feu dégage, dit-on, un bulle d'air qu'un ver rongeur a laissée dans le coeur du bois. Inde amor, inde burgundus. L'on tremble en voyant rouler comme une avalanche le charbon qu'on avait si industrieusement essayé de poser entre deux bûches flamboyantes. Oh ! tisonner quand on aime, n'est-ce pas développer matériellement sa pensée ?

(Honoré de Balzac, Étude de femme)
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13 octobre 2007

Île nue

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Un peu d'eau renversée en noir et blanc.




C'était comme si votre adrénaline montait en regardant le tableau. L'agitation et le chaos étaient très contagieux. Je ne me rappelle pas ce tableau comme de la couleur. De l'action, pas de la couleur.
C'est un tableau très vert, mais aussi très doré. Je ne me rappelle pas pourquoi au milieu de cette grosse tempête il est aussi doré. La peinture semble imprégnée de cette lumière dorée.
La lumière sur les gens était surprenante. Elle les faisait ressortir sur le noir de la tempête. Il y avait cette éblouissante concentration de lumière vers le point dangereux avec des jaunes, des verts et des bleus au centre de l'agitation.

(Sophie Calle, Disparitions)
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