31 décembre 2005

Patience

HODIE

C'était une qualité inversable.


Maintenant que le ciel et la terre et les vents se taisent ; que les bêtes sauvages et les oiseaux sont arrêtés par le sommeil ; que la nuit, sur son char étoilé, accomplit son circuit, et que la mer repose sans vagues dans son lit ;
Je regarde, je pense, je brûle, je pleure, et celle qui me fait mourir est sans cesse devant moi pour mon tourment qu'elle adoucit pourtant ; la guerre est ma condition, guerre pleine de colère et de douleur ; et je n'ai quelque repos qu'en pensant à elle.
Ainsi c'est de la même fontaine claire et vive que vient toute la douceur et l'amertume dont je me nourris : c'est la même main qui me guérit et me perce.
Et pour que mon martyre n'arrive pas à sa fin, mille fois par jour je meurs, et mille fois je renais, tant je suis éloigné de ma guérison.

(Pétrarque, Canzoniere)

30 décembre 2005

Castor

HODIE

Toboggan glacé, dernier caprice.



Sous le fuligineux étain d'un ciel d'hiver,
Le froid gerce le sol des plaines assoupies,
La neige adhère aux flancs râpés d'un talus vert
Et par le vide entier grincent des vols de pies.

Avec leurs fins rameaux en serres de harpies,
De noirs taillis méchants s'acharnent à griffer,
Un tas de feuilles d'or pourrissent en charpies ;
On s'imagine entendre au loin casser du fer.

C'est l'infini du gel cruel, il incarcère
Notre âme en un étau géant qui se resserre,
Tandis qu'avec un dur et sec et faux accord

Une cloche de bourg voisin dit sa complainte,
Martèle obstinément l'âpre silence - et tinte
Que, dans le soir, là-bas, on met en terre un mort.

(Émile Verhaeren, Les Bords de la route)

29 décembre 2005

fragile

HODIE

Le plus à pétrir.


la peau des choses
est dans nos yeux
voir écorche

la vieille langue
reste sous l'ongle
la jeune noircit la paupière

ma bouche est pavée
d'avant-moi
trente-deux dents

deux mâchoires
une gorge
et l'addition

nous sommes en plus
de la forme
comme du nom

(Bernard Noël, La Chute des temps)

28 décembre 2005

Pas sans rideau

HODIE

Bleue, jaune, duo dos à dos.


À nouveau la fenêtre,
Où l'on veille à nouveau.
On boit du vin peut-être,
Peut-être on ne dit mot.
Ou deux mains sans raison
Restent inséparables.
Ami, chaque maison
A fenêtre semblable.

Rupture ou pacte ─ cri :
Fenêtre dans la nuit !
Peut-être cent bougies,
Peut-être trois bougies...
Il n'existe, ni pour
Mon esprit, de calme.
Ma maison à son tour
connaît chose semblable.

Prie, l'ami, prie donc pour la maison sans sommeil,
La fenêtre-veilleuse !

(Marina Tsvétaïéva, Tentative de jalousie)

27 décembre 2005

Qui ?

HODIE

Place à l'aventure.


Quand l'homme se relève de son travail, se réveille de son labeur ou de son amour ou de sa peine, et s'étonne, et se dépouille et se voit sans se reconnaître, il ne reconnaît plus son acte, son oeuvre, son crime, son dieu, et ce qu'il fut. Il se fixe un moment dans l'impossibilité de concevoir qu'il est celui qu'il fut, et que l'on croit qu'il est.

(Paul Valéry, Tel quel)

26 décembre 2005

Mythe

OLIM

Beau comme la gale sous la paille.


Le grand-duc de Virginie, beau comme un mémoire sur la courbe que décrit un chien en courant après son maître, s'enfonça dans les crevasses d'un couvent en ruines. Le vautour des agneaux, beau comme la loi de l'arrêt de développement de la poitrine chez les adultes dont la propension à la croissance n'est pas en rapport avec la quantité de molécules que leur organisme s'assimile, se perdit dans les hautes couches de l'atmosphère. Le pélican, dont le généreux pardon m'avait causé beaucoup d'impression, parce que je ne le trouvais pas naturel, reprenant sur son tertre l'impassibilité majestueuse d'un phare, comme pour avertir les navigateurs humains de faire attention à son exemple, et de préserver leur sort de l'amour des magiciennes sombres, regardait toujours devant lui. Le scarabée, beau comme le tremblement des mains dans l'alcoolisme, disparaissait à l'horizon.

(Lautréamont, Les Chants de Maldoror)

25 décembre 2005

Noël

HODIE

Ouf !


L'impossibilité d'aimer sans avoir envie d'être aimé soi-même retire toute grâce à ce sentiment.
(Georges Perros, Papiers collés)

Que si le moi est haïssable, aimer son prochain comme soi-même devient une atroce ironie.
(Paul Valéry, Tel quel)

24 décembre 2005

Parrainage

HODIE

Mon petit frère.


Examinons de près cet homme. Qu'il éprouve le besoin de parler et pourtant qu'il n'ait rien à dire, et plus encore, qu'il ne puisse assouvir ce besoin sans la complicité plus ou moins tacite d'un compagnon qu'il choisit, s'il en a la liberté, pour sa discrétion et son endurance, voilà qui mérite réflexion. Cet individu n'a strictement rien à dire et cependant il dit mille choses ; peu lui importe l'assentiment ou la contradiction d'un interlocuteur, et cependant il ne saurait se passer de celui-ci, auquel il a d'ailleurs la sagesse de ne rien demander qu'une attention toute formelle. Tout se passe comme s'il était atteint d'une affection à laquelle il serait impuissant à apporter un remède ou, pour me servir d'une comparaison familière, comme s'il se trouvait dans le même embarras que l'apprenti sorcier : la machine tourne sans nécessité, impossible d'en contrôler les mouvements désordonnés.

(René-Louis Des Forêts, Le Bavard)

23 décembre 2005

Bulles

HODIE

Potard ludique !


Le rêve
Sonnet de nuit en ciment mal armé

Le septuor de l'Arc-en-ciel
Me fait une robe harmonique.
Je sais le Rêve ─ essentiel ─
Gavé d'astres et de musique.

Attends, je viens avec le miel
Qui calme la plaie algébrique
Suppurant la prose et le fiel
De l'âpre vin analytique.

Ailes ! Ailes ! Santos-Dumont,
J'apporte à ton âme énervée
De quoi gravir ─ cent os du mot ─

Les cent rochers de l'élevée
Cime, où, pour gicler dans l'azur,
Je te foutrai l'Exequatur.

(Alphonse Allais, Poésies complètes)

22 décembre 2005

Permis de critiquer

HODIE

Je vous connais bien tous les deux


21 décembre 2005

Au bord du monde, un espoir

HODIE

Le bleu d'un gars qui sait écrire, à qui je souhaite d'accoucher d'un écrivain.


Ce bleu n'appartient à personne.

Il n'est ni le bien des hommes, ni le royaume des dieux. Il circule et se répand, distribuant partout la matière mobile de son propre rêve. Le fini et l'inachevé échangent indéfiniment en lui leurs vertus. S'il n'est point d'âme ni de principe, au moins existe-t-il ce bleu, toujours près de s'entrouvrir dans la grisaille des jours, offert à quiconque, et ce pour rien, telle la paume d'une main vide, et telle une promesse dont chacun doit savoir qu'elle ne sera point tenue. C'est bien ainsi : cette lumière sur notre misère, cette beauté proche de notre mort. De quoi écrire encore des livres, peindre des toiles, aimer et composer de la musique. Pour essayer de retenir contre soi le jour. Et pour toujours plus de misère, mêlée avec plus de beauté. Aussi longtemps que nous le pourrons, nous accompagnerons du bout des doigts le temps qui passe.

(Michel Maulpoix, Une histoire de bleu)

20 décembre 2005

L'espace d'un pommier

OLIM

Sur les chemins parallèles : loup et comte triste.


Enfin, en continuant à suivre du dedans au-dehors les états simultanément juxtaposés dans ma conscience, et avant d'arriver jusqu'à l'horizon réel qui les enveloppait, je trouve des plaisirs d'un autre genre, celui d'être bien assis, de sentir la bonne odeur de l'air, de ne pas être dérangé par une visite et, quand une heure sonnait au clocher de Saint-Hilaire, de voir tomber morceau par morceau ce qui de l'après-midi était déjà consommé, jusqu'à ce que j'entendisse le dernier coup qui me permettait de faire le total et après lequel le long silence qui le suivait semblait faire commencer, dans le ciel bleu, toute la partie qui m'était encore concédée pour lire jusqu'au bon dîner qu'apprêtait Françoise et qui me réconforterait des fatigues prises, pendant la lecture du livre, à la suite de son héros. Et à chaque heure il me semblait que c'était quelques instants seulement auparavant que la précédente avait sonné ; la plus récente venait s'inscrire tout près de l'autre dans le ciel et je ne pouvais croire que soixante minutes eussent tenu dans ce petit arc bleu qui était compris entre leurs deux marques d'or. Quelquefois même cette heure prématurée sonnait deux coups de plus que la dernière ; il y en avait donc une que je n'avais pas entendue, quelque chose qui avait eu lieu n'avait pas eu lieu pour moi ; l'intérêt de la lecture, magique comme un profond sommeil, avait donné le change à mes oreilles hallucinées et effacé la cloche d'or sur la surface azurée du silence. Beaux après-midi du dimanche sous le marronnier du jardin de Combray, soigneusement vidés par moi des incidents médiocres de mon existence personnelle que j'y avais remplacés par une vie d'aventures et d'aspirations étranges au sein d'un pays arrosé d'eaux vives, vous m'évoquez encore cette vie quand je pense à vous et vous la contenez en effet pour l'avoir peu à peu contournée et enclose - tandis que je progressais dans ma lecture et que tombait la chaleur du jour - dans le cristal successif, lentement changeant et traversé de feuillages, de vos heures silencieuses, sonores, odorantes et limpides.

(Marcel Proust, Du Côté de chez Swann)

19 décembre 2005

Un gars dans l'air du temps

HODIE

Satisfaction puérile



  • Ce mot (logos), les hommes ne le comprennent jamais, aussi bien avant d'en avoir entendu parler qu'après. Bien que tout se passe selon ce mot, ils semblent n'avoir aucune expérience de paroles et de faits tels que je les expose, en distinguant et en expliquant la nature de chaque chose. Mais les autres hommes ignorent ce qu'ils ont fait en état de veille, comme ils oublient ce qu'ils ont fait pendant leur sommeil.
  • Ces gens qui ne savent ni écouter ni parler.
  • Ils entendent sans comprendre et sont semblables à des sourds. Le proverbe s'applique à eux : présents ils sont absents.
  • Le chemin droit et le contourné, c'est un seul et même chemin.
  • Il ne faut ni agir ni parler comme des dormeurs.
  • Je me suis cherché moi-même.

(Héraclite, Fragments choisis)

18 décembre 2005

Philtre

HODIE

Vapeurs d'encre.


Kyr Avram préfère lire dans le froid, en bras de chemise, exposant son corps aux frissons et il dit que, de sa lecture seul ce qui traverse ces frissons et parvient jusqu'à sa conscience mérite d'être retenu et noté.

(Milorad Pavic, Le Dictionnaire khazar)

17 décembre 2005

Othello

HODIE

Culbuter et gagner.



Les nageurs écaillés, ces sagettes vivantes
Que Nature empenna d'ailes sous l'eau mouvante
Montrent avec plaisir en ce clair appareil
L'argent de leur échine à l'or du beau soleil.
Enfin l'Ange, et la Troupe en un moment se rendent
Sur la terre où du Nil les rivages s'étendent ;
Borée à leur abord, de l'Égypte chassé,
S'en retourne en prison sous le pôle glacé,
Le fleuve est un étang qui dort au pied des palmes
De qui l'ombre, plongée au fond des ondes calmes,
Sans agitation semble se rafraîchir
Et de fruits naturels le cristal enrichir.
Le firmament s'y voit, l'astre du jour y roule,
Il s'admire, il éclate en ce miroir qui coule,
Et les hôtes de l'air, aux plumages divers,
Volant d'un bord à l'autre, y nagent à l'envers.

(Saint-Amant, Moyse sauvé)

16 décembre 2005

RM1

OLIM

Refus et colère, prise de risque et de parole, strip-teaseuse à croquer.


Il semblait qu'en ce dernier revoir, et par l'exagération même de mon amour, j'eusse usé toute ma ferveur ; chacune des phrases d'Alissa, contre lesquelles je m'insurgeais d'abord, restait en moi vivante et triomphante après que mes protestations s'étaient tues. Eh ! sans doute elle avait raison ! je ne chérissais plus qu'un fantôme ; l'Alissa que j'avais aimée, que j'aimais encore n'était plus... Eh ! sans doute nous avions vieilli ! cette dépoétisation affreuse, devant quoi tout mon coeur se glaçait, n'était rien, après tout, que le retour au naturel ; lentement si je l'avais surélevée, si je m'étais formé d'elle une idole, l'ornant de tout ce dont j'étais épris, que restait-il de mon travail que ma fatigue ?... Sitôt abandonnée à elle-même, Alissa était revenue à son niveau, médiocre niveau, où je me retrouvais moi-même, mais où je ne la désirais plus. Ah ! combien cet effort épuisant de vertu m'apparaissait absurde et chimérique, pour la rejoindre à ces hauteurs où mon unique effort l'avait placée. Un peu moins orgueilleux, notre amour eût été facile... mais que signifiait désormais l'obstination dans un amour sans objet ; c'était être entêté, ce n'était plus être fidèle. Fidèle à quoi ? ─ à une erreur. Le plus sage n'était-il pas de m'avouer que je m'étais trompé ?

(André Gide, la Porte étroite)

15 décembre 2005

Hop !

OLIM

Jamais été d'accord, moi !



Certain Renard Gascon, d'autres disent Normand,
Mourant presque de faim, vit au haut d'une treille
Des Raisins mûrs apparemment,
Et couverts d'une peau vermeille.
Le galand en eût fait volontiers un repas ;
Mais comme il n'y pouvait atteindre :
"Ils sont trop verts, dit-il, et bons pour des goujats."

Fit-il pas mieux que de se plaindre ?

(Jean de la Fontaine, Fables)

14 décembre 2005

Une mine sans fin

HODIE

Mais pas sans fond


Zut

Zim ba da boum soyons oracles
Il est un nez ailettes tube de Crooks
Zinc autel éclair tartines nègres
Ibidem sur le ventre en fleurs

De toutes crues sauve la Certa
En carrousel muet honore Dieu le Père

Dure mère cachotterie
Aux sourcils faits à l'encre soufre
Dompte la vergue ventriloque
André Gide a la pituite

(Paul Dermée)

13 décembre 2005

LDRTEUALIN

HODIE

Baltée, même !


Karle avait dans ses armées des héros à la manière de Roland : Cisher valait à lui seul une armée ; on l'eût pu croire de la race Enachim, tant il était grand ; il montait un énorme cheval, et quand le cheval refusait de passer la Doire, enflée par les torrents des Alpes, il le traînait après lui dans les flots en lui disant : « Par monseigneur Gall, de gré ou de force, tu me suivras. » Cisher fauchait les Bohémiens comme l'herbe d'une prairie. « Que m'importent s'écriait-il, les Wenèdes, ces grenouillettes ? j'en porte sept, huit et même neuf enfilés au bout de ma lance, en murmurant je ne sais quoi. »

(Chateaubriand, Analyse raisonnée de l'histoire de France )

12 décembre 2005

Cendrillon glacée

HODIE

Après le prince charmant.



À Ostende
Je tire au stand
Je gagne des otaries

La mer se retire
Cache ses rouleaux
À l'ombre des digues
Elle et moi on s'ennuie

Nos souvenirs
Font des îles flottantes
À Ostende
J'ai la hantise de l'écharpe
Qui s'effiloche à ton cou

(Alain Bashung, Chatterton)

11 décembre 2005

Accord parfait

HODIE

Entre un goupil et une libellule


« J'écris pour créer du désordre. »

« J'écris pour mettre de l'ordre dans ma tête. »

10 décembre 2005

Attendre

HODIE

L'heure du coup de pied.


Laquelle de nos nuits s’incline si bas
Qu’elle nous force à toucher cendres
Laquelle de nos nuits nous prend pour cible
Détisse ou rompt le jour

Comment retrouver l’aube
Et son métal dissous
Avec quoi reforger le fanal ?

De quel œil rivé sur l’horizon
Défier la carapace des ombres
De quel cri saluer l’éclair entrevu ?

(Andrée Chedid, Textes pour un poème)

09 décembre 2005

Mille moustiques

HODIE

Tu as mis tant de temps à cesser d'être un fantasme, je ne savais pas que ta main rejoindrait la mienne sur une voiture brisée.


Il y a quelque utilité à plonger le bras, puis le corps entier, dans l'eau trouble d'une rivière charriant l'argile blanche des montagnes. On ne peut pas vivre que dans la clarté. Il n'est pas mauvais de parfois disparaître, de tenter de se dissoudre dans l'opacité, d'être dissous et qu'on dise voilà qu'il part en eau (de boudin) et qu'il est présent dans le reflet des nuages. S'il resurgit, c'est venant du ciel, comme un météore. On peut enfin proclamer je vais disparaître, et disparaître l'instant qui suit. Lorsqu'on plonge le bras droit dans l'eau laiteuse d'une tonne d'eau croupie, on s'en sépare et l'oeil ne peut plus dicter ses ordres aux doigts qui doivent chercher le crapaud ou la couleuvre pour leur compte personnel, ne se fiant qu'à leurs connaissances et d'anciennes manipulations des livres d'enfants avec, comme seule certitude que le crapaud n'a pas de dents et que la couleuvre mord comme un vieux chien édenté.

(Eugène Savitzkaya, En vie)

08 décembre 2005

Crapauds

HODIE


L'aventure loin des peupliers.


Parti-pris

Je danse au milieu des miracles
Mille soleils peints sur le sol
Mille amis Mille yeux ou monocles
m'illuminent de leurs regards
Pleurs du pétrole sur la route
Sang perdu depuis les hangars

Je saute ainsi d'un jour à l'autre
rond polychrome et plus joli
qu'un paillasson de tir ou l'âtre
quand la flamme est couleur de vent
Vie ô paisible automobile
et le joyeux péril de courir au devant

Je brûlerai du feu des phares

(Louis Aragon, Feu de joie)

Larmes rousses

HODIE

La chatte maigre comme un hortensia, les mésanges muettes comme un filet avachi.


Tant de choses

Tu as laissé dans l'herbe et dans la boue
tout un hiver souffrir le beau parasol rouge
et rouiller ses arêtes, laissé la bise
abattre la maison des oiseaux

sans desserrer les dents, à l'abandon laissé
les parterres de roses et sans soin le pommier
qui arrondit la terre. Par indigence
ou distraction tu as laissé

tant de choses mourir autour de toi
qu'il ne te reste plus pour reposer tes yeux
qu'un courant d'air dans ta propre maison
─ et tu t'étonnes encore, tu t'étonnes

que le froid te saisisse au bras même de l'été.

(Guy Goffette, Le Pêcheur d'eau)

06 décembre 2005

Patron des escaliers

OLIM

Picotin et péket, trottinette fantôme, matriochka dans des Nike, et un ragoût.

Nicolas vient de nikos, qui signifie victoire et de laos, qui veut dire peuple. Nicolas, c'est victoire du peuple, c'est-à-dire, des vices qui sont populaires et vils. Ou bien simplement victoire, parce qu'il a appris aux peuples, par sa vie et son enseignement, à vaincre les vices et les péchés. Nicolas peut venir encore de nikos, victoire et de laus, louange, comme si on disait louange victorieuse. Ou bien encore de nitor, blancheur et de laos, peuple, blancheur du peuple. Il eut en effet, dans sa personne, ce qui constitue la blancheur et la pureté ; selon saint Ambroise, la parole divine purifie, la bonne confession purifie, une bonne pensée purifie, une bonne action purifie.

(Jacques de Voragine, La Légende dorée)

05 décembre 2005

Valse matinale

HODIE

Tête-à-queue et accotements non stabilisés.


Les poèmes ont toujours de grandes marges blanches, de grandes marges de silence où la mémoire ardente se consume pour recréer un délire sans passé.

(Paul Eluard, Donner à voir)

04 décembre 2005

Arc-en-ciel

HODIE

Verbe rouge, bleu sujet, athanor arlequin.


La grammaire, l'aride grammaire elle-même, devient quelque chose comme une sorcellerie évocatoire ; les mots ressuscitent revêtus de chair et d'os, le substantif, dans sa majesté substantielle, l'adjectif, vêtement transparent qui l'habille et le colore comme un glacis, et le verbe, ange du mouvement, qui donne le branle à la phrase.

(Charles Baudelaire, Les Paradis artificiels)

03 décembre 2005

Condamnation

HODIE

Poète, est-ce vraiment une solution ? La seule ?



Les langues imparfaites en cela que plusieurs, manque la suprême : penser étant écrire sans accessoires, ni chuchotement mais tacite encore l'immortelle parole, la diversité, sur terre, des idiomes empêche personne de proférer les mots qui, sinon se trouveraient, par une frappe unique, elle-même matériellement la vérité. Cette prohibition sévit expresse, dans la nature (on s'y bute avec un sourire) que ne vaille de raison pour se considérer Dieu ; mais, sur l'heure, tourné à de l'esthétique, mon sens regrette que le discours défaille à exprimer les objets par des touches y répondant en coloris ou en allure, lesquelles existent dans l'instrument de la voix, parmi les langages et quelquefois chez un. A côté d'ombre, opaque, ténèbres se fonce peu ; quelle déception, devant la perversité conférant à jour comme à nuit, contradictoirement, des timbres obscur ici, là clair. Le souhait d'un terme de splendeur brillant, ou qu'il s'éteigne, inverse ; quant à des alternatives lumineuses simples – Seulement, sachons n'existerait pas le vers : lui, philosophiquement rémunère le défaut des langues, complément supérieur.

(Stéphane Mallarmé, Variations sur un sujet)



« Si je vous suis, vous appuyez le privilège créateur du poète à l'imperfection de l'instrument dont il doit jouer ; une langue hypothétiquement adéquate à traduire sa pensée supprimerait le littérateur, qui s'appellerait, du fait, monsieur Tout le Monde. »

(Francis Viélé-Griffin, Stéphane Mallarmé, esquisse orale)

02 décembre 2005

Noir témoin

HODIE

Calme et béant.


D'abord, un grand désir m'était venu de solennité et d'apparat. J'avais froid. Tout mon être vivant et corrompu aspirait à la rigidité et à la majesté des morts. Je fus tenté ensuite par un mystère où les formes ne jouent aucun rôle. Curieux d'un ciel décoloré d'où les oiseaux et les nuages sont bannis. Je devins esclave de la faculté pure de voir, esclave de mes yeux irréels et vierges, ignorants du monde et d'eux-mêmes. Puissance tranquille. Je supprimai le visible et l'invisible, je me perdis dans un miroir sans tain. Indestructible, je n'étais pas aveugle.

(Paul Eluard, Donner à voir)

01 décembre 2005

Schtroumpf !

HODIE

Vouloir, c'est pouvoir.


L'unique mot de la langue martienne s'écrit phonétiquement :

Ké-ré-keu-keu-ko-kex.
Il signifie tout ce que l'on veut.

(Blaise Cendrars, Moravagine)