16 décembre 2005

RM1

OLIM

Refus et colère, prise de risque et de parole, strip-teaseuse à croquer.


Il semblait qu'en ce dernier revoir, et par l'exagération même de mon amour, j'eusse usé toute ma ferveur ; chacune des phrases d'Alissa, contre lesquelles je m'insurgeais d'abord, restait en moi vivante et triomphante après que mes protestations s'étaient tues. Eh ! sans doute elle avait raison ! je ne chérissais plus qu'un fantôme ; l'Alissa que j'avais aimée, que j'aimais encore n'était plus... Eh ! sans doute nous avions vieilli ! cette dépoétisation affreuse, devant quoi tout mon coeur se glaçait, n'était rien, après tout, que le retour au naturel ; lentement si je l'avais surélevée, si je m'étais formé d'elle une idole, l'ornant de tout ce dont j'étais épris, que restait-il de mon travail que ma fatigue ?... Sitôt abandonnée à elle-même, Alissa était revenue à son niveau, médiocre niveau, où je me retrouvais moi-même, mais où je ne la désirais plus. Ah ! combien cet effort épuisant de vertu m'apparaissait absurde et chimérique, pour la rejoindre à ces hauteurs où mon unique effort l'avait placée. Un peu moins orgueilleux, notre amour eût été facile... mais que signifiait désormais l'obstination dans un amour sans objet ; c'était être entêté, ce n'était plus être fidèle. Fidèle à quoi ? ─ à une erreur. Le plus sage n'était-il pas de m'avouer que je m'étais trompé ?

(André Gide, la Porte étroite)

Aucun commentaire: