14 octobre 2007

Seconde lecture

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Tapis devenu vert au bout du voyage.


Il croisa les deux pans de sa robe de chambre à ramages, posa ses pieds sur un tabouret, coula ses mains dans les goussets de son pantalon de cachemire rouge et se renversa dans une délicieuse bergère à oreilles dont le siège et le dossier décrivaient l'angle confortable de cent vingt degrés. Il ne prit plus de thé et resta immobile, les yeux attachés sur la main dorée qui couronnait sa pelle, sans voir ni main, ni pelle, ni dorure. Il ne tisonna même pas. Faute immense ! N'est-ce pas un plaisir bien vif que de tracasser le feu quand on pense aux femmes ? Notre esprit prête des phrases aux petites langues bleues qui se dégagent soudain et babillent dans le foyer. On interprète le langage puissant et brusque d'un bourguignon.
À ce mot, arrêtons-nous et plaçons ici pour les ignorants une explication due à un étymologiste très distingué qui a désiré garder l'anonyme. Bourguignon est le nom populaire et symbolique donné, depuis le règne de Charles VI, à ces détonations bruyantes dont l'effet est d'envoyer sur un tapis ou sur une robe un petit charbon, léger principe d'incendie. Le feu dégage, dit-on, un bulle d'air qu'un ver rongeur a laissée dans le coeur du bois. Inde amor, inde burgundus. L'on tremble en voyant rouler comme une avalanche le charbon qu'on avait si industrieusement essayé de poser entre deux bûches flamboyantes. Oh ! tisonner quand on aime, n'est-ce pas développer matériellement sa pensée ?

(Honoré de Balzac, Étude de femme)
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