07 mai 2006

Album

HODIE

Toujours à deux.


J’allais solitaire ainsi qu’un nuage
Qui plane au-dessus des vaux et des monts
Quand soudain je vis en foule – ô mirage ! –
Des jonquilles d'or, une légion !
A côté du lac, sous les branches grises,
Flottant et dansant gaiement à la brise.

Serrées comme sont au ciel les étoiles
Qu’on voit scintiller sur la Voie Lactée,
Elles s’étendaient sans un intervalle
Le long du rivage au creux d’une baie :
J’en vis d’un coup d’œil des milliers, je pense,
Agitant la tête en leur folle danse.

Les vagues dansaient, pleines d’étincelles,
Mais elles dansaient plus allégrement ;
Pouvais-je rester, poète, auprès d’elles
Sans être gagné par leur enjouement ?
L’œil fixe – ébloui – je ne songeais guère
Au riche présent qui m’était offert :

Car si je repose, absent ou songeur,
Souvent leur vision, ô béatitude !
Vient illuminer l’œil intérieur
Qui fait le bonheur de la solitude ;
Et mon cœur alors, débordant, pétille
De plaisir et danse avec les jonquilles.

(William Wordsworth)

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