02 août 2007

L'art d'os

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Une enfant dans la première, une reine dans la dernière.


Cette porte ouverte, il vit enfin clair et fut frappé du désordre qui s'offrit à ses yeux. Il semblait qu'on eût provisoirement entassé ici tout le mobilier tandis qu'on lavait les planchers. Sur une table trônait une chaise cassée, flanquée d'une pendule au balancier arrêté, où l'araignée avait tissé sa toile. Tout près, le flanc appuyé au mur, un buffet contenait des carafons, de l'argenterie ancienne, des porcelaines de Chine. Sur un bureau, dont la mosaïque en nacre s'écaillait par places en découvrant des cases jaunes remplies de colle, s'entassaient une foule d'objets disparates : un monceau de paperasses couvertes d'une fine écriture sous un presse-papiers en marbre verdi surmonté d'un petit oeuf ; un vieux bouquin à tranches rouges relié en veau ; un citron racorni réduit aux proportions d'une noisette ; un bras de fauteuil ; un verre à patte recouvert d'une lettre, contenant un liquide où nageaient trois mouches ; un morceau de cire ; un bout de chiffon ; deux plumes tachées d'encre, desséchées comme un phtisique ; un cure-dent tout jauni, dont le maître du logis se servait peut-être avant l'invasion des Français.

(Nicolas Gogol, Les Âmes mortes)
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