16 août 2007

Comme un livre ouvert

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Jute et poussière, canards et lumière


Prague est la ville où l'on donne rendez-vous à l'illogique. Deux êtres se retrouvent sur le pont Charles. Ils ne se cherchent pas, ils sont tous deux en train de chercher quelque chose qu'ils ont perdu. Ils ne trouvent pas ce dont ils portent le deuil, mais ils se retrouvent face à face. Ils se disent que ce qu'ils ont perdu est toujours là, seulement ils ne le voient pas, parce qu'ils ont été habitués à voir les choses selon le vieil ordre établi. Ils ont été habitués à voir les oiseaux dans le ciel, les mots dans un livre, des rêves dans la nuit. Un jour, ils se sont aperçus que les oiseaux ont déserté le ciel et que les nuits sont pleines de cauchemars. Ensemble ils vont jeter le poids de leur perte dans le fleuve. Il ne coule pas au fond de l'eau, il flotte. Ils le regardent dériver. Et soudain, leur regard change. Ils ne voient plus des oiseaux dans le ciel, des mots bien alignés dans une page, des rêves pelotonnés dans le sommeil. Ils voient des mots qui filent à tire-d'aile dans la nuit, comme des oiseaux de papier qui se sont arrachés des gluaux de l'évidence et volent au loin, vers l'aube, pour picorer la pomme rouge du soleil.

(Linda Lê, Personne)

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