14 juillet 2007

Nouvelle route

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Départ aux abords de la chaussée.


Une piste de chasse, vraiment ? ce chemin dur, rectiligne, qui coupe tous les sentiers, toutes les routes, d'un bout de l'horizon à l'autre ; que ne détourne aucune haie, aucune limite de champ, qui tient sans hésitation, sans la plus faible coudure, la plus haute arête du pays ; plus droit qu'une voie ferrée lancée d'un seul jet sur le territoire ? Un chemin pour les cavaliers en habit rouge, les piqueurs et les meutes (avec sauts d'obstacles, — c'est le cas de le dire, — à tout bout de champ) ? Non, mais la Fosse-Way. Étroite et profondément bâtie, cinq assises, dans le sol, véritable mur construit dans la terre et sur lequel on peut marcher, on a marché, pendant des siècles sans l'user. Préfiguration en effet de la voie ferrée, visible idée de la vitesse ; route rigide et sans arrêt, route de la civilisation qui ne saurait s'attarder, perdre une minute, s'habituer au paysage, devenir provinciale, paresseuse, s'attendrir en chemin d'amoureux sur les rives de l'Avon, mais précipitée tout droit devant elle-même, comme une grande locomotive, comme la foudre domestiquée ! Incontestablement ce qu'il y a ici de plus intentionnel, de plus humain dans sa victoire sur la matière, de plus moderne, et en avance de combien de siècles sur ces routes sinueuses, sur la route de Banbury attardée dans son idylle ? La route romaine ; le vol de l'aigle.

(Valery Larbaud, Le Moulin d'Inigo Jones)
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