16 juillet 2007

Déménagement rêvé

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À cause d'un observatoire, peut-être.


Au Nouvel An, il est resté enfermé trois bons jours dans une hyper-pièce où on n'arrivait absolument pas à saisir ce qui était plancher et ce qui était plafond. La pièce était délimitée non par quatre murs mais par huit pièces de l'espèce ordinaire, mais, elles, encastrées les unes dans les autres d'une façon assez incompréhensible. Par exemple, il suffisait de partir d'un angle quelconque, de faire cinq ou six pas dans une direction quelconque et l'on se retrouvait de nouveau au point de départ. Ces pièces étaient pleines de portes et certaines de ces portes étaient en forme de cagibis, donc ne s'ouvraient pas, mais il fallait y entrer pour sortir et, aussitôt après, dieu sait comment, on se retrouvait dans la première pièce ; seulement, si on était sorti par la droite, on rentrait maintenant par la gauche, et si on sortait par en bas on réapparaissait en haut. Partout il faisait un froid pour le moins repoussant. Une situation rendue encore plus inconfortable par le manque de lits, de nourriture et même d'eau : il devait en effet s'agir d'un bâtiment de construction récente, inhabité, car il manquait jusqu'au courant électrique ; et quoique la pièce, ou les pièces, fussent dépourvues de fenêtres, elles n'étaient certes pas dépourvues de courants d'air qui pénétraient partout. De plus, il y avait des rats, avec leurs courses folles le long des trente-deux arêtes de la pièce, à moins qu'il n'y eût qu'un unique rat le long d'une unique arête, visible des huit pièces à la fois, qui entrait par un trou et sortait par un autre ; mais cette sortie était aussi une entrée si bien que toute cette galopade de rats faisait aussi penser à l'un de ces finales de quatuor de Beethoven particulièrement mouvementés. À un certain moment, Corfo s'était réfugié à l'intérieur d'une de ces portes : il s'était probablement évanoui de froid, dans cette porte, ou de fatigue, ou de faim, ou des trois maux à la fois. Après quoi, il ne se souvenait plus de rien : il savait seulement qu'il était revenu à lui sur un autobus de la ligne 95, sans ticket, et qu'il avait dû rentrer chez lui en taxi.

(J. Rodolfo Wilcock, Le Stéréoscope des solitaires)
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