08 janvier 2007

Pas Victor

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Outré, scandalisé, opiniâtre, entraîné, le prof...


Quelque part à Mbour, ce jour-là, il y avait un grand jeune homme. vingt-six ans, un mètre quatre-vingt-dix au moins, il était professeur de lettres modernes et se préparait à l'examen d'une tout autre manière.
Qu'avait-il mangé ce midi-là ? Du yassa ? Du thieb ? À quoi était décliné son riz du jour ? En tout cas, ce n'était pas du mbakhale qu'il avait mangé avant de venir nous examiner. D'ailleurs, avait-il seulement mangé ? Pour la première fois, son stylo montrerait la direction d'un destin, ferait perdre ou gagner toute une année de vie. Il exécutait des gestes ralentis par la longueur de ses membres. Ses documents rangés dans son sac en cuir, il avait pris le chemin du lycée. Il marchait sans doute pour se détendre et essayer de contenir cette émotion qui risquait de déceler aux candidats qu'il avait aussi peur qu'eux. Sa tête était remplie de visages encore inconnus. Cherchait-il à se représenter l'image du lycéen qui mériterait sa meilleur note en l'étonnant ? Car les professeurs sont avides de surprises. Ils se délectent autant que les quelques chanceux, ou doués, qui arrivent à desserrer l'étau de leurs pinceaux pour en faire jaillir l'encre artistique de la note suprême.

(Fatou Diome, La Préférence nationale)
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