27 novembre 2007

Deux catastrophes

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Comme un coq dans la cheminée.



Athanagore termina son repas. Il reprit son marteau archéologique en sortant de la tente ; il tenait à désincrustir son pot turcique. [...]
Le pot, de grande taille, en porcelaine grossière, était peint, au fond, d'un oeil que le calcaire et la silice obstruaient à moitié. À petits coups précis, Athanagore fit sauter les éclats pétrifiés, dégageant l'iris et la pupille. Vu en entier, c'était un assez bel oeil bleu, un peu dur, aux cils plaisamment recourbés. Athanagore regardait plutôt d'un autre côté pour se dérober à l'interrogation insistante qu'impliquait l'expression de ce vis-à-vis céramique. Lorsque le nettoyage fut chose faite, il remplit le pot de sable, pour ne plus voir l'oeil, le retourna sens dessus dessous et le brisa en plusieurs coups de marteau, puis il ramassa les fragments épars. Ainsi, le pot tenait très peu de place et pourrait entrer dans une boîte du modèle standard sans déparer la régularité des collections du maître, qui tira de sa poche le réceptacle en question.

(Boris Vian, L'Automne à Pékin)
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