26 juillet 2007

Grâce

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Ce que quelques jeunes gens trouvèrent au fond d'un étang.


D'ordinaire, Colvin entretient en moi, par contagion, de telles craintes à votre sujet que je suis rassuré de vous savoir incommodé par rien de pire que la privation de tabac et d'alcool. « Rien de pire ? » vous entends-je reprendre en écho, en vous demandant à quelle torture d'une suavagerie plus raffinée je puis vous imaginer soumis. Vous préféreriez peut-être — on ne saurait vous en blâmer — périr par l'épée, plutôt que de privations. Mais vous ne périrez pas, mon cher Louis, je suis là pour l'affirmer. J'aurais dû périr, moi, voilà longtemps déjà, si c'était mortel. Aucun alcool, ou presque, ne passe le seuil de mes lèvres atrophiées, capables pourtant d'un hypocrite soupir de résignation. Je suis vraiment désolé pour vous car je me souviens, aux temps lointains et fabuleux, du plateau sous la lampe conviviale de Skerryvore, tandis que la soirée s'écoulait. À Vailima, les soirées s'écoulent également mais le plateau a disparu, je suppose. Puisse cette rude épreuve être allégée et même, comme vous autres missionnaires le dites, vous être une bénédiction. Cela blesse, je le répète, mais ne tue pas : c'est d'autant plus dommage.

(Lettre de Henry James à Robert Louis Stevenson)
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