19 juillet 2007

Des pas, des plumes

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Et des fantômes.


.....Kuk-Kuk : qui de nous deux trouera, déchirera, arrachera de l'autre le coeur le premier ?
.....Vous songez que votre salut est dans l'immobilité, vous vous faites statue, pierre. Mais peut-être déjà êtes-vous en ma puissance et n'ai-je qu'à tendre le bras et refermer ma main sur votre gorge, ou y plonger le stylet meurtrier...
.....Et ce cliquetis métallique, ce froissement, si proches, est-ce le chien d'un révolver que l'on arme ? Ou bien une ruse ? Celle qui vous forcera à tirer le premier : une langue de feu rougeoyante et sourde jaillie trahissant votre position dans la nuit. Vous serez à ma merci, attendant le coup de grâce, ce coup de grâce qui ne vient pas, dont vous ne savez d'où il viendra, que vous n'imaginez même pas entendre venir tant l'inscrutable nuit, son silence bruissant, avant même toute déflagration, ont rompu vos tympans... Vous vous sentez à découvert. Vous cherchez une paroi à laquelle vous adosser. Vous croyez que vous serez plus en sécurité, moins exposé, dans une encoignure. Réfugié là, vous imaginez disposer du répit nécessaire à me déceler. Mais pour atteindre ce coin, ce refuge, que vous faudra-t-il traverser ? L'espace du langage est un piège que je vous tends. Sur quoi buterez-vous ?
.....Lecteur, sais-tu seulement par où tu es entré et où se trouve la porte, et même s'il y en a une ? Tu peux certes sortir de ce récit par effraction, en refermant maintenant le livre. Mais la chambre noire ne s'en évanouira pas pour autant. Dans cette chambre noire, pour toute étenité, quand bien même tu en condamnerais la porte, je t'attends, lâche lecteur.
.....Car cette chambre, et telle est l'énigme inscrite au front de la chimère ou du golem qui en garde l'invisible seuil, tu y étais déjà avant que d'y entrer et tu y seras encore quand tu en sortiras.

(Anne Garréta, La Décomposition)
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