28 décembre 2006

Sans rien

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Rien de rien


R.M. — [...] Mais si nous revenions à Psammenitus ?
M. — Ce n'est plus Psammenitus qui nous intéresse...
R.M. — Mais bien plutôt le moraliste qui s'étonne de Psammenitus ; le spectateur, disions-nous...
M. — Qu'avons-nous donc découvert de ce spectateur...
R.M. — ...s'il veut éviter les déceptions, les accidents de la rue, les rendez-vous manqués...
M. — ...tirer le meilleur parti de la roulette...
R.M. — ...et sagement observer Psammenitus ? Sinon qu'il lui faut étayer chaque parole de sa part de silence, chaque décision de sa part d'indécision, chaque raison de sa part de folie. Bref, restituer à chacune de nos pensées cette zone d'ombre et de contradiction...
M. — ...que les philosophes, je suppose, avaient coutume d'appeler l'infini, l'absolu...
R.M. — ...et les psychanalystes (plus timidement) les complexes.
M. — ...à laquelle nous faisons sans doute allusion, lorsque, à la question : « À quoi songez-vous ? » nous répondons vaillamment : « À rien. »
R.M. — Entendez : à rien qui se puisse dire, à rien qui ne perde, sitôt exprimé, sa nature et son sens même.
M. — Et le miroir, s'il réfléchit, c'est qu'il a son tain et sa partie obscure.

(Jean Paulhan, Entretien sur des faits divers)
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