04 décembre 2006

Phasmophilie

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Regard filtrant.


Le voyeur a trente-quatre ou soixante-douze ans, il est vêtu misérablement ou avec recherche, mais, toujours, son attitude provoque la méfiance : il ressemble à un homme égaré en plein midi au milieu de la ville.
Malgré son nom, les divertissements érotiques d'autrui ne l'ont jamais attiré outre mesure : il recherche de plus déroutants spectacles.
Vous l'apercevrez comme frappé de stupeur devant une porte cochère, un arbre, un immeuble en démolition. Planté devant la fenêtre entrouverte d'un rez-de-chaussée, il paraît suivre avec une extrême attention la scène qui se déroule à l'interieur — et, lorsque vous vous approchez, vous constatez que le logement est vide.
Certains affirment qu'il voit, d'où son nom, d'autres qu'il imagine seulement. Il est possible que le Voyeur ait surpris une fois au moins une faille dans les facades qui bouchent les regards, sinon on s'expliquerait mal son obstination (à part sa manie, il se comporte, dans l'existence, en homme sain d'esprit). Il croit à un complot permanent des apparences que, seule, la fatigue trahit parfois. Et c'est ce moment de faiblesse qu'il espionne avec une inlassable patience, trappeur des grandes cités opaques.
Tel se présente le Voyeur souvent pris pour un homme ivre ou un pornographe.

(André Hardellet, Sommeils)
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