29 septembre 2006

Sous le signe de la musique

HODIE

Et du plaisir




Il y avait là trois machines (sans compter la mienne), toutes soigneusement encapuchonnées comme des éperviers de chasse. Les machines à écrire m'ont toujours mis mal à l'aise ; je ne peux croire qu'elles soient complètement inintelligentes. Quand elles font des fautes de frappe, surtout de celles qui ressemblent à des fautes d'orthographe, j'ai envie de cogner dessus. Il devrait leur être impossible de commettre au moins des barbarismes. De les voir là, au repos, poursuivant on ne savait quelle méditation lettriste sous leur couverture, je ne pouvais pas croire non plus qu'elles eussent laissé passer tant de textes à travers elles comme de l'eau à travers un tamis, sans rien en retenir. Sûrement elles possédaient quelque part une mémoire qu'on apprendrait un jour à dévider en marche arrière, remontant de caractère en caractère jusqu'au premier qu'elles eussent jamais frappé. Quelle source de renseignements ce serait pour les « romanciers » des deux sortes ! À imaginer pareille découverte, un frisson courut le long de mon dos, un frisson de curiosité et de désir, un tremblement d'amant (ou d'artiste) devant le mystère indéchiffrable d'autrui.

(Vladimir Volkoff, Le Retournement)

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