24 août 2006

Au voleur !

HODIE

Ce mouton prévoyant, c'était un signe.


Tard dans la nuit d'août,
l'oeil du Taureau devient rouge
comme s'il allait ensemencer la terre.

Il sait qu'on va l'abattre tôt ou tard,
et pas de vache au pacage
de ce côté-ci du ciel.


À quel brasier échappés, ces frelons ?

Moi, quand mes pensées brûlent,
je sais pourquoi.


Cette nuit,
un vent glacé fouette les astres ;
on dirait
qu'eux aussi flambent plus avides.

Y aurait-il même pour eux
de l'impossible ?


Nuages assis en majesté comme des dieux,

ourlés de pourpre s'ils vont vers la nuit.


Orvet vif comme un filet d'eau,
plus vite dérobé qu'oeillade,

orvet des lèvres fraîches.


Toutes ces bêtes
ou esprits invisibles

parce qu'on se rapproche de l'obscur.


Trop d'astres cet été, Monsieur le Maître,
trop d'amis atterrés,
trop de rébus.

Je me sens devenir de plus en plus ignare
avec le temps
et finirai bientôt imbécile dans les ronciers.

Explique-toi enfin, Maître évasif !

Pour réponse, au bord du chemin :

séneçon, berce, chicorée.


(Philippe Jaccottet, Cahier de verdure)

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