27 avril 2006

Cendres

HODIE

Et disparitions.



Et c'est là, à cette hauteur-là, qu'il commença à écrire un poème dans le ciel. Au début, je crus que le pilote était pris d'une crise de démence et cela ne m'étonna pas. La folie était monnaie courante en ce temps-là. Je pensai que, aveuglé par le désespoir, il tournoyait en l'air et qu'ensuite il s'écraserait contre un des bâtiments ou sur une des places de la ville. Mais tout de suite après, comme engendrées pas le ciel même, apparurent les lettres. Des lettres parfaitement dessinées par la fumée gris et noir sur l'énorme écran du ciel bleu-rose, qui gelaient le regard de qui les rencontrait. IN PRINCIPIO... CREAVIT DEUS... COELUM ET TERRAM, c'est ce que je lus comme si j'étais plongé dans le sommeil. Je crus – j'espérai – qu'il s'agissait d'une campagne publicitaire. Je ris tout seul. Alors l'avion remit le cap sur nous, vers l'ouest, puis fit demi-tour et recommença. Cette fois-ci, le vers fut beaucoup plus long et s'étendit jusqu'aux quartiers du Sud. TERRA AUTEM ERAT INANIS... ET VACUA... ET TENEBRAE ERANT... SUPER FACIEM ABYSSI... ET SPIRITUS DEI... FEREBATUR SUPER AQUAS...
[...]
Cette fois-ci, il écrivit seulement un mot, plus grand que les précédents, au-dessus de ce que je pensai être le centre exact de la ville : APPRENEZ. Ensuite l'avion sembla hésiter, perdre de l'altitude, il parut sur le point de s'écraser sur la terrasse d'un immeuble, comme si le pilote avait coupé le moteur et donnait le premier exemple de l'apprentissage auquel il faisait allusion ou auquel il nous demandait peut-être de nous soumettre. Mais cela ne dura que quelques secondes, ce que mirent la nuit et le vent à défaire les lettres de ce dernier mot. Puis l'avion disparut.

(Roberto Bolaño, Étoile distante)

Aucun commentaire: