12 mars 2006

Souris

HODIE

L'art par décret.


Rauschenberg : Tiens, Willem, prends ce morceau de papier, et fais-moi un dessin. De n'importe quoi, beau ou pas, ça n'a pas d'importance.
De Kooning : Mais pourquoi ?
Rauschenberg : J'ai l'intention de l'effacer.
De Kooning : Mais pourquoi ?
Rauschenberg : T'occupe pas de ça. Je réparerai ton toit en échange du tableau.
De Kooning : O.K. Je pense le faire au crayon, à l'encre et à la craie grasse.
Rauschenberg : Tout ce que tu voudras.

(Quatre semaines plus tard)

Rauschenberg : Eh bien, ça m'a pris quarante gommes, mais ça y est.
De Kooning : Quoi donc ?
Rauschenberg : Je l'ai effacé.
De Kooning : Tu as effacé mon tableau ?
Rauschenberg : Oui.
De Kooning : Où est-il ?
Rauschenberg : Disparu. Ce qui reste, c'est mon acte d'effacement, et le papier, qui était à moi dès le départ.

(Il montre le tableau à De Kooning)

De Kooning : Tu y a mis ton nom.
Rauschenberg : Et alors ? C'est mon oeuvre.
De Kooning : Ton oeuvre ? T'as vu ce que tu as fait de mon tableau ?
Rauschenberg : Beau boulot, hein ? Ça a été dur de tout effacer. J'en ai encore mal au poignet. Je l'ai intitulé Dessin effacé.
De Kooning : Très fin.
Rauschenberg : Je l'ai déjà vendu. Dix mille.
De Kooning : Tu as vendu mon tableau ?
Rauschenberg : Non, j'ai effacé ton tableau. J'ai vendu mon effacement.

(Percival Everett, L'Effacement)

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