24 février 2006

Bruit de fond

HODIE

Quel meilleur endroit pour s'entendre soi-même ?


Et, à ce moment-là, Séraphin s'étant tu également, on avait senti grandir autour de soi une chose tout à fait inhumaine et à la longue insupportable : le silence. Le silence de la haute montagne, le silence de ces déserts d'hommes, où l'homme n'apparaît que temporairement ; alors, pour peu que par hasard il soit silencieux lui-même, on a beau prêter l'oreille, on entend seulement qu'on n'entend rien. On avait beau écouter maintenant : c'était comme si aucune chose n'existait plus nulle part, de nous à l'autre bout du monde, de nous jusqu'au fond du ciel. Rien, le néant, le vide, la perfection du vide, une cessation totale de l'être comme si le monde n'avait pas été créé encore, ou ne l'était plus, comme si on était avant le commencement du monde ou bien après la fin du monde. Et l'angoisse vient se loger dans votre poitrine, où il y a comme une main qui se referme autour du coeur.

(Charles-Ferdinand Ramuz, Derborence)

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