05 février 2006

B

HODIE

Vert bouteille


Dans l’olympe farouche et sinistre des livres,
Lieu polaire où l’on prend les vitres pour des givres ;
Dans l’immense grenier du bouquinisme humain
Où l’étude et la nuit scellent leur triste hymen,
Depuis que l’homme écrit, que l’esprit se fourvoie,
Que la première plume a fui la première oie ;
Dans ce dock du grimoire universel, tunnel
Et puits du griffonnage antique et solennel,
Où l’erreur sur l’erreur s’amoncelle, où s’entasse
La savantasserie avec le savantasse,
Gouffre où sans voir l’ennui, ce miasme, on le sent,
Où s’est faite, de siècle en siècle grossissant,
Comme un ulcère croît, comme grandit un chancre,
L’horrible alluvion du déluge de l’encre,
Dans ce dépôt qu’emplit le froid morne des ifs,
Il faut les voir rangés, ces testaments massifs,
Ces volumes titans dont un fort de la halle
Aurait peine à porter la lourdeur idéale,
Ces tomes à stature écrasante, ulémas
Des lutrins monstrueux et des puissants formats ;
Ceux-ci bardés de cuir, ceux-là vêtus de moire,
Ils encombrent des temps la ténébreuse armoire ;

(Victor Hugo, L'Âne)

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