26 février 2006

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HODIE

Rien d'intime.



Soudain, j'entendis derrière moi, dans la pièce, quelque chose comme un bruissement d'ailes. Et avant que je me retourne, quelque chose de gros et de sombre, d'assez lourd, s'échappa de ma chambre et s'élança vers le ciel. Je m'approchai de la fenêtre, essayant de deviner de quoi il pouvait s'agir lorsque, près de ma tête et frôlant mes cheveux, quelque chose à nouveau s'envola. Puis je vis tout, de mes yeux : sur l'étagère de ma chambre, les livres de ma bibliothèque se redressaient l'un après l'autre et s'envolaient par la fenêtre. Leurs pages battaient dans le vent, comme des ailes, et je fus obligé de reculer pour qu'ils ne me blessent pas de leurs feuilles agitées. Tapant dans les murs et les fenêtres, se cognant aux vitres, se heurtant entre eux, les livres que j'avais écrits autrefois s'envolèrent aussi, désertant l'étagère jaune. Ils prirent vite de la hauteur et les plus rapides d'entre eux (parmi lesquels je reconnus notre Atlas des vents), tel un essaim d'oiseaux migrateurs, se laissèrent porter par le vent très haut dans l'air, de sorte qu'il était difficile de les distinguer des hirondelles et des oies sauvages qui, à cette époque de l'année, traversent le ciel de Belgrade en direction du sud.

(Milorad Pavic, L'Atlas des vents)

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