03 janvier 2006

Galatée fascinée

HODIE

Et les complications de l'oedipe, hein ?


─ Imaginez, en effet, un artiste tombant amoureux de son enfant, de son oeuvre, d'une Hérodiade, d'une Judith, d'une Hélène, d'une Jeanne d'Arc, qu'il aurait ou décrite ou peinte, et l'évoquant et finissant par la posséder en songe ! ─ Eh bien, cet amour est pis que l'inceste normal. Dans ce crime, en effet, le coupable ne peut jamais commettre qu'un demi-attentat, puisque sa fille n'est pas née de sa seule substance mais bien aussi d'une autre chair. Il y a donc, logiquement, dans l'inceste, un côté quasi naturel, une part étrangère, presque licite, tandis que dans le Pygmalionisme, le père viole sa fille d'âme, la seule qui soit réellement pure et bien à lui, la seule qu'il ait pu enfanter sans le concours d'un autre sang. Le délit est donc entier et complet. Puis, n'y a-t-il pas aussi mépris de la nature, c'est-à-dire de l'oeuvre divine, puisque le sujet du péché n'est plus, ainsi que dans la bestialité même, un être palpable et vivant, mais bien un être irréel, un être créé par une projection du talent qu'on souille, un être presque céleste, puisqu'on le rend souvent immortel, et cela par le génie, par l'artifice ?
Allons plus loin encore, si vous le voulez ; supposez qu'un artiste peigne un saint et qu'il s'en éprenne. Cela se compliquerait de crime contre nature et de sacrilège. Ce serait énorme !
─ Et peut-être serait-ce exquis !

(Joris-Karl Huysmans, Là-bas)

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