07 novembre 2005

La presque totale

OLIM

Ni réconfort ni promesse.


Vous souffrirez beaucoup mais il y a pis. Il y a le moment ─ dans un mois, dans trois mois, je ne sais quand ─ où vous commencerez à souffrir par intermittence. Vous connaîtrez les répits, les moments d'oubli animal qui viennent, sans qu'on sache pourquoi, parce qu'il fait beau, parce qu'on a bien dormi ou parce qu'on est un peu malade... Oh ! mon enfant ! comme les reprises du mal sont terribles ! Il s'abat sur vous sans avertir, sans rien ménager... Dans un moment innocent et léger, un suave moment délivré, au milieu d'un geste, d'un éclat de rire, l'idée, le foudroyant souvenir de la perte affreuse tarit votre rire, arrête la main qui portait à vos lèvres la tasse de thé, et vous voilà terrifiée, espérant la mort avec la conviction ingénue qu'on ne peut souffrir autant sans mourir... Mais vous ne mourrez pas !... ─ vous non plus. Les trèves reviendront, irrégulières, imprévisibles, capricieuses... Ce sera... ce sera vraiment terrible...

(Colette, Les Vrilles de la vigne)

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