29 octobre 2005

Réticences

HODIE

Du bleu et presque un chandelier.


Ta chevelure est sans lilas, ton beau visage : de miroir.
D'un oeil à l'autre oeil le nuage passe, comme Sodome vers Babel :
il dépèce tel un feuillage la tour et fait rage autour du buisson de soufre.

Alors te tressaille un éclair sur la bouche ─ ce gouffre avec les restes du violon.
Quelqu'un, dents de neige, promène l'archet : ô le roseau chantait plus beau !

Toi aussi, aimée, tu es le roseau et nous tous sommes la pluie ;
ton corps est un vin sans pareil, et nous pintons à dix ;
ton coeur est une barque dans le blé, nous, rameurs, la poussons vers la nuit ;
cruchette du bleu, tu sautilles légère au-dessus de nous, et nous, nous dormons...

Devant la tente s'approche la centurie, et nous te portons à la tombe sans cesser de trinquer.
Sur le carrelage du monde résonne maintenant le dur thaler des rêves.

(Paul Celan, Pavot et mémoire)

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