14 octobre 2005

Là ou ici

HODIE

Debout les morts !


─ Il est l'heure, dit le fantôme.
─ L'heure ?
─ Oui.
J'enjambai la margelle du labyrinthe. Il était l'heure d'ouvrir les yeux, d'y voir un peu plus clair. L'heure aussi d'entrer dans un autre labyrinthe : le vif. Je cherche à la hâte mes vêtements jetés pêle-mêle, je les piétine, je suis impatient de me plonger dans une autre journée, de repartir à la recherche... Je suis impatient de fuir ce réveil noir d'où je ne tirerai rien de clair, rien de bienfaisant. Il faut déserter au galop.
Je commence par me tromper de porte : j'entre dans le placard au lieu de m'élancer sur la vraie porte des amis et des huissiers. Mon placard est bondé comme chez Barbe-Bleue. Il n'y a donc rien, rien qui sourie à celui qui sait parfaitement où il se trouve, qui a bien compris le jeu, qui reconnaît Dieu sous tous ses déguisements ? Je descends à la rencontre du jour. Et déjà, je sais, je sais que je remonterai tout à l'heure, pour fermer un tiroir que je sais fermé, que je ferme déjà...

(Léon-Paul Fargue, Haute Solitude)

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