29 mai 2005

Fouiner, sonder, pétrir

HODIE

Et quand dire, c'est faire ?


La poésie suggère donc un sens dont la structure lui est propre. Tandis que la signification rationnelle implique une notion qui peut se détacher des mots, qui ôte même toute importance aux mots et qui en dehors d'eux assure l'intelligibilité et la compréhension entre les êtres, la signification poétique est ce qui ne peut être séparé des mots, ce qui rend chaque mot important et qui se dénonce dans ce fait ou cette illusion que le langage a une réalité essentielle, une mission fondamentale : fonder les choses par et dans la parole.
C'est cela que suppose toute lecture d'une poésie comme celle de Mallarmé. Elle impose la croyance momentanée à la vertu sensible des mots, à leur valeur matérielle et au pouvoir qu'ils auraient d'atteindre le fond de la réalité. On croit instinctivement que le langage révèle dans la poésie sa véritable essence, qui est toute dans le pouvoir d'évoquer, d'appeler les mystères qu'il ne peut exprimer, de faire ce qu'il ne peut dire, de créer des émotions ou des états qui ne peuvent se figurer, en un mot d'être en rapport avec l'existence profonde plutôt par le faire que par le dire.
Et l'on comprend un poème non pas lorsqu'on en saisit les pensées ni même lorsqu'on s'en représente les relations complexes, mais lorsqu'on est amené par lui au mode d'existence qu'il signifie, provoqué à une certaine tension, exaltation ou destruction de soi-même, conduit dans un monde dont le contenu mental n'est qu'un élément.
On pourrait dire que la signification poétique se rapporte à l'existence, qu'elle est compréhension de la situation de l'homme, qu'elle met en cause ce qu'il est.

(Maurice Blanchot, Faux Pas)

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