Soif de suie
HODIE
Dire et créer le monde.
Ouvrez la bouche à mes tambours
et versez-leur à boire
la soif agite encore en eux
ses grandes ailes blanches
Mes trois coeurs coniques
mes trois ventres obsédants
mes trois éléments vitaux
Quand j'étais une douleur sans voix
quand j'étais un nègre sans musique
quand la dernière mesure
et le dernier rythme
étaient chassés de mon corps
ils étaient à mes côtés
et leur eau fraîche monta
plus haute en moi que la haine
des mains blanches qui me frappaient.
Toute ma soif passa dans leur bouche
quand le sel, le piment,
le citron, l’alcool,
la poudre à canon
étaient des mains blanches
qui cherchaient avec rage
les mille plaies de mon âme.
Ô forêt qui a soif
Ô tambours haïtiens
patience, frères,
la rosée est en route !
(René Depestre, Journal d'un animal marin)
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