Horizon
Comme si rien n'avait eu lieu
la corneille
et le saule
(Issa)
Comme si rien n'avait eu lieu
la corneille
et le saule
(Issa)
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HODIE
Et disparitions.
Et c'est là, à cette hauteur-là, qu'il commença à écrire un poème dans le ciel. Au début, je crus que le pilote était pris d'une crise de démence et cela ne m'étonna pas. La folie était monnaie courante en ce temps-là. Je pensai que, aveuglé par le désespoir, il tournoyait en l'air et qu'ensuite il s'écraserait contre un des bâtiments ou sur une des places de la ville. Mais tout de suite après, comme engendrées pas le ciel même, apparurent les lettres. Des lettres parfaitement dessinées par la fumée gris et noir sur l'énorme écran du ciel bleu-rose, qui gelaient le regard de qui les rencontrait. IN PRINCIPIO... CREAVIT DEUS... COELUM ET TERRAM, c'est ce que je lus comme si j'étais plongé dans le sommeil. Je crus – j'espérai – qu'il s'agissait d'une campagne publicitaire. Je ris tout seul. Alors l'avion remit le cap sur nous, vers l'ouest, puis fit demi-tour et recommença. Cette fois-ci, le vers fut beaucoup plus long et s'étendit jusqu'aux quartiers du Sud. TERRA AUTEM ERAT INANIS... ET VACUA... ET TENEBRAE ERANT... SUPER FACIEM ABYSSI... ET SPIRITUS DEI... FEREBATUR SUPER AQUAS...
[...]
Cette fois-ci, il écrivit seulement un mot, plus grand que les précédents, au-dessus de ce que je pensai être le centre exact de la ville : APPRENEZ. Ensuite l'avion sembla hésiter, perdre de l'altitude, il parut sur le point de s'écraser sur la terrasse d'un immeuble, comme si le pilote avait coupé le moteur et donnait le premier exemple de l'apprentissage auquel il faisait allusion ou auquel il nous demandait peut-être de nous soumettre. Mais cela ne dura que quelques secondes, ce que mirent la nuit et le vent à défaire les lettres de ce dernier mot. Puis l'avion disparut.
(Roberto Bolaño, Étoile distante)
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HODIE
Et dire qu'elle s'en fichait complètement.
Une simple consonance vocale,
L'âme. L'amour. Ou un accès
Au point muet de la langue. Un accent
Qui viendrait de l'intérieur du temps. S'il y avait
Un intérieur du temps comme un intérieur
Du corps, si les journées pouvaient s'ouvrir
Comme des chambres. Ou une phrase
Comme la respiration du jardin. Écrite
Sur le parfum des pivoines. Et qui s'envolerait
D'un livre dont on s'évente.
(Claude Adelen, D'où pas même la voix)
Publié par Zolurne à 22:36 0 commentaires
HODIE
Des cinq sens.
Pour compte
dans l'Arabie des trois midis
des tours aux fronts de caïmans
dans l'Arabie de ta peau neuve
et des turbans de rêve noir
le feu tinte dans les cloches
douce est la parole de l'eau
sous la clé des nuits légères
enchaînées au coeur des filles
le feu lèche les miroirs
les museaux des endormies
brûlent sous le regard fendu
dans l'orange du matin
c'est pour ces pays d'un sou
que se vide la mémoire
pour la neige et la flamme
dont se parent les étoiles
sous la crinière aveugle
court le feu inassouvi
le cristal vivant des sources
dans les eaux de l'avenir
va mon enfant dors mon cheval
il n'y a pas assez de paix
dans les justes mains des cimes
pour couvrir la voix des villes.
(Tristan Tzara, Phases)
Publié par Zolurne à 23:31 0 commentaires
HODIE
Machinalement, en transit.
Je peux te voir encore : un écho,
palpable par mots-
tactiles sur l'arête
de l'adieu.
Ton visage s'effarouche sans bruit
lorsque d'un coup
il devient clair comme lampe en moi
à l'endroit
où l'on dit au plus douloureusement
Jamais.
(Paul Celan, Poèmes)
Publié par Zolurne à 23:48 0 commentaires
HODIE
Près d'une trompette fluo.
La nuit parfois ravive une plante singulière dont la lueur décompose les chambres meublées en massif d'ombre.
Sa feuille d'or tient impassible au creux d'une colonnette d'albâtre par un pédoncule très noir.Les papillons miteux l'assaillent de préférence à la lune trop haute, qui vaporise les bois. Mais brûlés aussitôt ou vannés dans la bagarre, tous frémissent aux bords d'une frénésie voisine de la stupeur.
Cependant la bougie, par le vacillement des clartés sur le livre au brusque dégagement des fumée originales encourage le lecteur, – puis s'incline sur son assiette et se noie dans son aliment.
(Francis Ponge, Le Parti pris des choses)
Publié par Zolurne à 22:27 0 commentaires
HODIE
Pourquoi pas ?
Commence, recommence n'importe où !
Il importe désormais
seulement que tu fasses chaque jour
un quelconque travail, un travail
fait seulement avec attention,
avec honnêteté. Il importe seulement
que tu apportes à bâtir indéfiniment la réalité
(jamais finie) ta très très petite part quotidienne...
À travers les lunettes ou par l'oeil encore unique
tu vois lentement, en détail très mal,
au total assez bien. Assez pour t'orienter.
Assez pour savoir marcher, le chemin qui peu à peu
se découvre. Assez pour tant bien que mal
faire ta part. D'ailleurs, en fait,
importe-t-il, le détail du travail,
le détail des formes du pied dans le sable,
ou bien le but où tu finis, tard, assez las,
où tu finis, peut-être, parfois, par arriver ?
Mais il n'y a pas de but non plus.
Le but recule toujours vers les sables non
atteints.
(Jean-Paul de Dadelsen, Jonas)
Publié par Zolurne à 23:54 0 commentaires
HODIE
Rose fluo
J'ouvre les yeux, c'est bien la maison natale,
Et même celle qui fut et rien de plus.
La même petite salle à manger dont la fenêtre
Donne sur un pêcher qui ne grandit pas.
Un homme et une femme se sont assis
Devant cette croisée, l'un en face de l'autre.
Ils se parlent, pour une fois. L'enfant
Du fond de ce jardin les voit, les regarde,
Il sait que l'on peut naître de ces mots.
Derrière les parents la salle est sombre.
L'homme vient de rentrer du travail. La fatigue
Qui a été le seul nimbe des gestes
Qu'il fut donné à son fils d'entrevoir
Le détache déjà de cette rive.
(Yves Bonnefoy, Les Planches courbes)
Publié par Zolurne à 23:40 0 commentaires
HODIE
En rêve, une chambre supplémentaire.
[...] c'était le joug de la maison, de la maison elle-même, avec tous ceux qui y avaient vécu auparavant, qui avaient vécu comme on ne le pouvait plus maintenant (du reste avait-on jamais pu ?). C'était le joug de la maison, avec ses murs épais comme ceux d'une forteresse, le joug des niches profondes de ses fenêtres qui semblaient taillées aux mesures de fantômes, des portes ni fermées ni ouvertes, entr'ouvertes, le joug des plafonds au-dessus desquels, à longueur de nuit, quelqu'un marchait de long en large, sans jamais s'arrêter, le joug du jardin accolé à la maison et de sa surveillance sournoise. Oui, du jardin surtout, avec sa liberté fictive, car il n'était en réalité qu'un vigile insomniaque, à cause de l'éternelle humidité de ses arbres, visiblement attaché au passé de tous ses bras, du jardin et de son humidité, du jardin et de sa vieillesse, avec son portillon qui ne menait nulle part.
(Marina Tsvétaeva, La Maison près du vieux Pimène)
Publié par Zolurne à 22:45 0 commentaires
Nous sommes les naufragés de la langue
D'un pays l'autre nous allons, accrochés aux bois flottés de nos phrases
Ce sont les restes d'un ancien navire depuis longtemps fracassé
Mais le désir nous point encore, tandis que nous dérivons
De sculpter dans ces planches des statuettes de sirènes aux cheveux bleus
Et de chanter toujours avec ces poumons-là :
Laissez-nous répéter la mer
N'intentez point de procès stupide au grand large
http://www.maulpoix.net/naufrages.htm
et
http://www.maulpoix.net/justice.htm
Publié par Zolurne à 20:34 0 commentaires
HODIE
Vous qui entrez ici, laissez vos mots et vos idées.
L'on dira donc (pour acquit de conscience) que le langage comporte – comme les grammaires l'enseignent et comme les dictionnaires, ne fût-ce que par leur aspect, le confirment – d'une part des signes qui tombent sous le sens : soit bruit, son, image écrite ou tactile. De l'autre, des idées, associées à ces signes en telle sorte que le signe, sitôt apparu, les évoque. En bref, un corps et une âme, une matière et un esprit. Celui-ci subtil et souple ; celle-là fixe et passive. Ainsi différant l'un de l'autre au point que rien de ce que l'on dit du mot ne se peut dire de l'idée, et l'inverse. Tous deux cependant si étrangement proches de nous, indiscutables, donnés, que l'on peut se demander si notre idée plus générale de la matière et de l'inorganique ne nous vient pas d'étendre au monde entier ce que l'expérience intime à tout instant nous apprend des mots ; mais notre idée de l'esprit et de la vie, ce que le langage nous apprend des pensées. La puissance des mots, dès lors, ce serait assez exactement , dans le microcosme de l'expression, la matière qui opprime l'esprit. Comme un homme, devant le coup violent qui va le frapper, se sent déjà changé en cadavre, ainsi la pensée asservie aux mots a beau garder son apparence : elle est déjà morte, et réduite à rien : une simple chose entre d'autres, qui tombe quand on la pousse et tombée demeure à terre. Et simplement faut-il ici marquer deux points. L'un est que la Terreur admet couramment que l'idée vaut mieux que le mot et l'esprit que la matière : il y a de l'un à l'autre différence de dignité, non moins que de nature. Telle est sa foi, et, si l'on aime mieux, son préjugé. Le second porte que le langage est essentiellement dangereux pour la pensée : toujours prêt à l'opprimer, si l'on n'y veille. La définition la plus simple que l'on puisse donner du Terroriste, c'est qu'il est misologue.
(Jean Paulhan, Les Fleurs de Tarbes)
Publié par Zolurne à 23:04 0 commentaires
HODIE
Une histoire d'amour.
Nous tendons instinctivement à solidifier nos impressions, pour les exprimer par le langage. De là vient que nous confondons le sentiment même, qui est dans un perpétuel devenir, avec son objet extérieur permanent, et surtout avec le mot qui exprime cet objet. De même que la durée fuyante de notre moi se fixe par sa projection dans l'espace homogène, ainsi nos impressions sans cesse changeantes, s'enroulant autour de l'objet extérieur qui en est cause, en adoptent les contours précis et l'immobilité.
(Henri Bergson, Essai sur les données immédiates de la conscience)
Publié par Zolurne à 22:47 0 commentaires
HODIE
Pour [ero] contaminé.
Aussi, j'y ai souvent pensé : de même qu'autour d'un vaisseau menacé d'être pris par les glaces, on est occupé incessamment à briser le cercle rigide qui menace de l'emprisonner, de même chacun, à chaque instant, devrait être occupé à briser dans son esprit le moule qui est prêt de prendre et de se former. Ne nous figeons pas ; tenons nos esprits vivants et fluides.
(Sainte-Beuve, Les Nouveaux Lundis)
Publié par Zolurne à 18:06 0 commentaires
HODIE
Pour des queues de cerises
Le vélin écrit rit et grimace, livide.
Les signes sont dansants et fous. Les uns, flambeaux,
Pétillent radieux dans une page vide.
D'autres en rangs pressés, acrobates corbeaux,
Dans la neige épandue ouvrent leur bec avide.
Le livre est un grand arbre émergé des tombeaux.
Et ses feuilles, ainsi que d'un sac qui se vide,
Volent au vent vorace et partent par lambeaux.
Et son tronc est humain comme la mandragore ;
Ses fruits vivants sont les fèves de Pythagore ;
Des feuillets verdoyants lui poussent en avril.
Et les prédictions d'or qu'il emmagasine,
Seul le nécromant peut les lire sans péril,
La nuit, à la lueur des torches de résine.
(Alfred Jarry, Les Minutes)
Publié par Zolurne à 23:56 0 commentaires
HODIE
Rapineuse...
Envolez-moi au-dessus des chandelles noires de la terre,
au-dessus des cornes venimeuses de la terre.
II n'y a de paix qu'au-dessus des serpents de la terre,
La terre est une grande bouche souillée,
ses hoquets, ses rires à gorge déployée,
sa toux, son haleine, ses ronflements quand elle dort
me triturent l'âme. Attirez-moi dehors !
Secouez-moi ! empoignez-moi, et toi terre chasse-moi.
Surnaturel, je me cramponne à ton drapeau de soie
que le grand vent me coule dans tes plis qui ondoient.
Je craque de discordes militaires avec moi-même,
je me suis comme une poulie, une voiture de dilemmes
et je ne pourrai dormir que dans vos évidences.
Je vous envie, phénix, faisan doré, condors...
Donnez-moi une couverture volante qui me porte
au-dessus du tonnerre, dehors au cristal de vos portes.
(Max Jacob, Sacrifice impérial)
Publié par Zolurne à 23:36 0 commentaires
HODIE
Au milieu de la pente, une pause toujours déçue.
J'ai vu le soleil dur contre les touffes
Ferrailler. – J'ai vu deux fers soleiller,
Deux fers qui faisaient des parades bouffes ;
Des merles en noir regardaient briller.
Un monsieur en ligne arrangeait sa manche ;
Blanc, il me semblait un gros camélia ;
Une autre fleur rose était sur la branche,
Rose comme... Et puis un fleuret plia.
– Je vois rouge... Ah oui ! c'est juste : on s'égorge –
... Un camélia blanc – là – comme Sa gorge...
Un camélia jaune, – ici – tout mâché...
Amour mort, tombé de ma boutonnière.
– A moi, plaie ouverte et fleur printanière !
Camélia vivant, de sang panaché !
(Tristan Corbière, Les Amours jaunes)
Publié par Zolurne à 11:45 0 commentaires
HODIE
Un souvenir de frais météores.
Les Rocs - V
La danse est en eux,
La flamme est en eux,
Quand bon leur semble.
Ce n'est pas un spectacle devant eux,
C'est en eux.
C'est la danse dans leur intime
Et lucide folie.
C'est la flamme en eux
Du noyau de braise.
(Guillevic, Terraqué)
Publié par Zolurne à 23:24 0 commentaires
HODIE
Cristaux de glace
Ce que je cherche, ce n'est pas la justice de mes pensées, mais la justesse, le tremblement, la solidification de leur « liquidité » naturelle.
(Georges Perros, Papiers collés)
Publié par Zolurne à 22:56 0 commentaires
HODIE
Illusions brillantes sous mes semelles.
Je prendrai tous mes moyens dans l’ouragan
Herbe chétive attachée à mes pas,
Mon poème…
M’alignant sur un destin d’orages démesurément.
Il se hâte vers les vagues vainement,
Sans assez de souffrance pour être oscillement.
Restera sur ses ans
L’homme ayant osé le pas le plus avant.
J’ai posé près des vents tous mes jours démesurément
Houle par houle j’ai gonflé ma gorge en ouragan.
Passager saccagé de rafales
J’ai saccagé de mer et de rafales tous mes instants.
J’ai balafré, défiguré mes horizons calmants
Tentant de refermer en golfe mes bras déments
Grand ciel tumultueux sur ses hasards se refermant
Pour hurler assez vrai je me change en océan
Mouillé d’embruns, le morne temps roule éternellement
Le ciel sur et sous moi est enclos m’englobant.
(Armand Robin, Le Monde d'une voix)
Publié par Zolurne à 23:46 0 commentaires
OLIM
Un Inca dans la tempête.
Douze mois et douze signes ; l'avant-dernier, le Sagittaire, décoche sa flèche armée d'un dard. Les douze signes sont en guerre.
La belle Vache, la Vache Noire qui porte une étoile au front, sort de la Forêt des Dépouilles ;
Dans sa poitrine est le dard de la flèche ; son sang coule à flots; elle beugle la tête levée :
La trompe sonne; feu et tonnerre ; pluie et vent ; tonnerre et feu ; rien ; plus rien ; ni aucune série !
Onze Prêtres armés, venant de Vannes, avec leurs épées brisées ;
Et leurs robes ensanglantées; et des béquilles de coudrier ; de trois cents plus qu'eux onze.
Dix vaissaux ennemis qu'on a vus venant de Nantes : malheur à vous ! malheur à vous ! hommes de Vannes !
Neuf petites mains blanches sur la table de l'aire, près de la tour de Lezarmeur, et neuf mères qui gémissent beaucoup.
Neuf Korrigans qui dansent avec des fleurs dans les cheveux et des robes de laine blanche, autour de la fontaine, à la clarté de la pleine lune.
La laie et ses neuf marcassins, à la porte de leur bauge, grognant et fouissant, fouissant et grognant; petit ! petit ! petit ! accourez au pommier ! le vieux sanglier va vous faire la leçon.
Huit vents qui soufflent; huit feux avec le Grand Feu, allumés au mois de mai sur la montagne de la guerre.
Huit génisses blanches comme l'écume, qui paissent l'herbe de l'île profonde; les huit génisses blanches de la Dame.
Sept soleils et sept lunes, sept planètes, y compris la Poule. Sept éléments avec la farine de l'air.
Six petits enfants de cire, vivifiés par l'énergie de la lune; si tu l'ignore, je le sais.
Six plantes médicinales dans le petit chaudron ; le petit nain mêle le breuvage, son doigt dans sa bouche.
Cinq zones terrestres : cinq âges dans la durée du temps; cinq rochers sur notre sœur.
Quatre pierres à aiguiser, pierres à aiguiser de Merlin, qui aiguisent les épées des braves.
Il ya trois parties dans le monde : trois commencements et trois fins, pour l'homme comme pour le chêne.
Trois royaumes de Merlin, pleins de fruits d'or, de fleurs brillantes, de petits enfants qui rient.
Deux bœufs attelés à une coque; ils tirent, ils vont expirer ; voyez la merveille !
Pas de série pour le nombre un : la Nécessité unique, le Trépas, père de la Douleur ; rien avant, rien de plus.
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Publié par Zolurne à 23:28 0 commentaires
OLIM
En route pour de nouvelles aventures.
Pour le retour du Soleil honorer,
Le Zéphir l'air serein lui appareille,
Et du sommeil l'eau et la terre éveille,
Qui les gardait, l'une de murmurer
En doux coulant, l'autre de se parer
De mainte fleur de couleur nonpareille.
Jà les oiseaux ès arbres font merveille,
Et aux passants font l'ennui modérer ;
Les nymphes jà en mille jeux s'ébattent
Au clair de lune, et dansant l'herbe abattent.
Veux-tu, Zéphir, de ton heur me donner,
Et que par toi toute me renouvelle ?
Fais mon Soleil devers moi retourner,
Et tu verras s'il ne me rend plus belle.
(Louise Labé, Sonnets)
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HODIE
Sans désir.
l'envie animale de laper l'eau, l'envie animale de marcher à quatre pattes, l'envie animale de hurler, de pleurer, de sauter dans le vide. L'envie animale de suivre un animal à la trace, l'envie animale d'oublier, l'envie animale de vivre à l'endroit de la chute. L'envie animal vacille, l'envie animale entre dans l'ordre des choses, dans l'ordre du monde, dans l'ordre du réel. L'envie animal, la parole dernière, la solution finale, l'envie animale toujours, ... laissant l'animal sans voix. L'envie animale s'achève dans un cauchemar
(Gaspard Hons, Le Jardin des morts heureux)
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HODIE
Tu m'as déstabilisé.
Ce qu'on est, c'est ce qu'on pense involontairement, et qui nous guide au moment où nous nous croyions perdus. Pensées-oiseaux.
(Georges Perros, Papiers collés)
Publié par Zolurne à 22:56 0 commentaires
HODIE
Et derrière chaque mur.
La fumée descend dans la rue
Sur la chanteuse infirme
Et l'accordéoniste,
La ville aux naseaux qui fument,
Aux yeux de vitrage et d'ombre,
La ville avec sa crinière de pluie,
La ville incompréhensible,
Est comme une femme assise
Dans une chambre au plafond bas.
Cependant je me mêle aux jeux froids de la nuit,
Pâles foulards noués et défaits sur les parcs,
Vacillement de l'ombre au sommet des toits gris,
Corde rompue, il m'est resté le poids de l'arc.
Les barrières debout dans la neige salie,
Les longues grilles dans la brume de minuit,
Semblent me ramener, au fond des avenues,
Vers une nuit totale et vraiment inconnue,
— Non, c'est la chambre où l'air est comme lézardé
D'anciens malheurs qui se pressent vers la clarté.
(Henri Thomas, Sous le lien du temps)
Publié par Zolurne à 23:44 0 commentaires
HODIE
Mais là ?
Corps violent, redoutable, honteux,
Corps de poète habitué aux larmes,
Qui te secoue ainsi, qui te désarme ?
(Bruxelles dort orné de mille feux)
Dans le pays de la bonne souffrance
(Rappelle-toi cette maison des champs)
Archange infirme ivre de ton silence,
N'attendais-tu qu'un amour plus pressant ?
On connaît bien le gouffre où je me penche,
La Muse morte y couche entre ses dieux.
Regardez tous (c'est une page blanche)
Et enterrez les poètes chez eux.
(Odilon-Jean Périer, Notre mère la ville)
Publié par Zolurne à 22:54 0 commentaires
HODIE
La Petite Marraine voulait voir ce qu'on avait fait de ses sous.
La fuite est verdâtre et rose
Des collines et des rampes
Dans un demi-jour de lampes
Qui vient brouiller toute chose.
L'or, sur les humbles abîmes,
Tout doucement s'ensanglante.
Des petits arbres sans cimes
Où quelque oiseau faible chante.
Triste à peine tant s'effacent
Ces apparences d'automne,
Toutes mes langues rêvassent,
Que berce l'air monotone.
(Paul Verlaine, Romances sans paroles)
Publié par Zolurne à 23:29 0 commentaires